Retrouvez cet article dans un dossier conséquent consacré à la "Dépendance énergétique à la Russie", réalisé par les collabotateurs et l'équipe du site Regards sur l'est.
Par Mathilde GOANEC*
Le 01/10/2009
L'Ukraine, par sa taille, son tiraillement géographique entre l'Est et l'Ouest et son histoire mouvementée, est sans conteste un voisin problématique pour la Russie. Cette dernière conserve d'ailleurs à son égard, 18 ans après la dissolution de l'URSS, une relation quasi-passionnelle: chaque dispute entre les deux voisins secoue l'Europe tout entière, comme en témoignent les fameuses crises gazières, devenues un événement hivernal presque aussi ponctuel que la galette des rois.
Kiev a hérité, à la fin de l'ère soviétique, d'un cadeau empoisonné: un immense réseau de gazoducs qui acheminent 80% du gaz russe exporté vers l'Ouest, Gazprom assurant un quart des besoins européens. Les infrastructures vieillissantes du réseau sont mal entretenues mais la voie de transit qui traverse l’Ukraine reste pour l'heure incontournable, en attendant la réalisation des projets concurrents que sont Nord Stream et South Stream[1].
L'Ukraine possède également d’importants sites de stockage souterrain de gaz, propices à l’optimisation du transit, d'une capacité de 32 milliards de m3. Ils font de ce pays le deuxième réservoir de gaz en Europe, après la Russie. A supposer que des investissement conséquents soient réalisés, cette capacité de stockage pourrait être portée à 38, voire 39 milliards de m3.
Indispensable Ukraine, qui menace donc de fermer le robinet à chaque fois que la Russie hausse le ton, prenant en otage les consommateurs européens. Seul hic, le pays est lui-même très dépendant de son grand voisin, qui continue de lui facturer un gaz moins cher que celui payé par les Européens, s'assurant ainsi l'allégeance du pouvoir en place. Cette partition déjà délicate est devenue injouable ces quatre dernières années, avec l'arrivée au pouvoir de «l'équipe orange» et l'implication grandissante d'un tiers, l'Union européenne, qui ne cesse d'appeler à plus de transparence.
La mainmise de la Russie sur le réseau de distribution du gaz en Ukraine
Pour la Russie, l'arme énergétique est propice à maintenir son influence sur ses anciens vassaux, comme le souligne Alexandre Todioutchouk, conseiller auprès du ministre ukrainien de l'Énergie en 2008 et aujourd'hui expert et professeur dans une école de commerce ukrainienne. «Quand j'écoute mes confrères politologues russes, je retrouve souvent cette phrase: il ne sert à rien de chercher à restaurer les anciennes frontières de l'URSS par des batailles difficiles, il suffit d'avoir la main sur le système énergétique».
Ainsi, la Russie mène vis-à-vis de l'Ukraine une politique énergétique de plus en plus agressive, mue par la volonté à peine masquée de prendre le contrôle du système de distribution du gaz. Pour Mikhaïlo Gonchar, politologue ukrainien reconnu et proche des instances européennes, ce scénario est tout à fait «réaliste»: «L’étude de la stratégie énergétique russe montre que son but est de s'infiltrer sur les marchés étrangers et d'obtenir la copropriété des réseaux de distribution dans ces pays. Le système de distribution ukrainien est d'ailleurs déjà plus ou moins contrôlé par Gazprom, car ce marché est excessivement attractif pour la Russie du fait du nombre de consommateurs»[2].
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