Au terme d'un scrutin exemplaire , les nationaliste ont devancé les candidats modérés du gouvernement intérimaire.
« Ce sont les élections les plus démocratiques que j'ai vues en Asie centrale depuis 20 ans », s'enthousiasmait lundi Morten Höglund, chef de la mission d'observation de l'OSCE à Bichkek. Si le Kirghizistan a gagné son pari démocratique, il n'en a pas pour autant fini avec la crise politique : cinq partis seulement ont passé la barre des 5 % nécessaires à leur entrée au Parlement, et ceci avec des scores qui oscillent entre 5 et 8 %, loin de toute majorité. Enfin, seuls 56 % des électeurs kirghizes se sont déplacés, dimanche, pour voter.
Les grands perdants sont les partis dirigés par les membres du gouvernement intérimaire, qui n'obtiennent pas les scores escomptés. En effet, c'est le parti d'opposition Ata-Jurt, composé de proches de l'ancien président Kourmanbek Bakiev, qui arrive en tête. Bakiev, réfugié en Biélorussie, a été chassé du pouvoir par la rue, début avril, dans des affrontements qui ont fait 87 morts. Ata-Jurt dépasse de quelques 20 000 voix le SDPK, parti de l'actuelle présidente, Roza Otumbaeva et bat largement le favori de l'élection, le parti Ata-Meken, relégué au bas du podium. « Personne ne s'y attendait, confirme Dinara Oshourakhounova, représentante de la société civile en charge de l'observation des élections. Je suis sûre que les leaders d'Ata-Jurt eux-même sont surpris! ». Ata-Jurt, pour arriver à un tel score, a largement surfé sur les difficultés récentes du pays. Dénigrant l'impuissance du gouvernement intérimaire pendant le conflit ethnique du mois de juin, ses responsables n'ont cessé d'attiser la peur et la haine, stigmatisant grossièrement la minorité ouzbèke afin de s'attirer les voix des électeurs kirghizes du sud.
Deuxième grosse surprise de ce scrutin, le très bon score et la troisième place de l'ancien premier-ministre Félix Koulov. Galvanisé par le soutien que lui a apporté le Kremlin quelques semaines avant l'élection , il semble avoir bénéficié du vote des minorités pour avoir été le seul à compatir au sort des ouzbeks après les pogroms du mois de juin. Tout comme les leaders d'Ata-Jurt, Koulov est un adepte convaincu du « pouvoir fort » à la russe ou à la kazakhe, et il rejette le nouveau régime parlementaire en vigueur, instauré en juin par référendum. Enfin, le parti Respublika, dirigé par un jeune homme d'affaire kirghize, se place quatrième, grâce à une campagne très agressive basée sur des promesses économiques.
Aucun de ces partis ne peut, seul, former un gouvernement. L'heure est donc aux alliances, et à ce jeu-là, toutes les combinaisons sont possibles. « Soit nous aurons une coalition large, de consensus national, mais c'est peu probable, estime Abdikerim Achirov, analyste kirghize. Soit une coalition à deux ou trois partis, moins basés sur des affinités politiques que sur la capacité des individus à s'entendre ». Autrement dit, il est tout à fait possible de voir les nationalistes d'Ata-Jurt s'allier avec le candidat Félix Koulov élu par les minorités, ou les partisans d'un régime parlementaire tendre la main aux adeptes d'un pouvoir présidentiel fort. Félix Koulov est l'un de ceux qui feront pencher la balance; il confiait samedi dernier pouvoir « travailler avec tout le monde ». « Quelque soit le gouvernement qui sortira de cette coalition, cela prend du temps pour s'accoutumer à la culture du parlementarisme, observe Abdikerim Achirov. Il y a toujours le risque que la population, insatisfaite et fatiguée, retourne dans la rue. »
Mathilde Goanec
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