Il a un physique de boxeur, catégorie poids-lourd, et sa taille a largement de quoi impressionner n'importe quel interlocuteur. En interview, Viktor Ianoukovich ne fait pourtant pas le fier, répétant des discours tout faits, sous l'œil attentif de ses conseillers, prêts à le reprendre à la moindre erreur. Après plus de dix ans passés dans les plus hautes sphères de la politique ukrainienne, difficile pour le leader du Parti des régions de se débarrasser de cette image de personnage mal éduqué et sans charisme qui lui colle à la peau.
Orphelin depuis l'adolescence, le jeune Viktor grandit sous l'URSS dans la région minière du Donbass, patrie du célèbre ouvrier Stakhanov. Loin des mérites du héros local, Ianoukovitch s'illustre plutôt en petit malfrat ordinaire : vol et affaires de mœurs émaillent son passage à l'âge adulte, avec en corollaire un passage par la case prison. « Des erreurs de jeunesse », dit aujourd'hui l'homme politique à longueur d'interviews, fervent partisan de la repentance publique. C'est également au cours de cette période trouble que le futur président ukrainien va nouer des amitiés rentables, le plus illustre de ses compagnons d'alors étant Rinat Akhmetov, aujourd'hui première fortune d'Ukraine et son principal financier.
Mécanicien de formation, Ianoukovitch rentre au parti communiste dans les années 80. Son passage remarqué comme gouverneur de la région du Donbass lui ouvrira les portes de la politique nationale : appelé comme Premier ministre par le président Léonid Kouchma en 2002, Viktor Ianoukovitch devient son poulain en 2004 lors des élections présidentielles. Soutenu par un régime autoritaire, Viktor Ianoukovitch est alors clairement le pantin de Moscou. C'est également le digne représentant politique du clan de Donetsk, un groupe d'hommes d'affaires constitué dans la jungle des années 90 et qui ont mis la main sur la quasi-totalité des anciennes entreprises d'État. La victoire des « oranges », symbolisée par Viktor Iouchtchenko et Ioulia Timochenko, prendra tout ce petit monde de court. Viktor Ianoukovitch, accusé de fraudes massives, semble fini.
Régulièrement moqué pour ses fautes d'orthographes et son peu de culture, Ianoukovitch est pourtant doué d'une certaine intelligence politique, qui va lui permettre de se maintenir à flots : Premier ministre en 2006-2007 puis chef de l'opposition, Viktor Ianoukovitch opère sa mue médiatique, savamment conseillé par des spin doctors américains. En quelques mois, il ravale sa haine des « oranges », se met à l'ukrainien et revoit sa copie géopolitique. « La plupart des citoyens ukrainiens se sentent proches de la Russie, par la langue,l’histoire et l’économie, explique Viktor Ianoukovitch, rencontré quelques semaines avant les élections présidentielles. Mais l'Ukraine est un pays indépendant et avoir des bonnes relations avec notre voisin est compatible avec une future intégration européenne ». Son profil de simple manager rassure face à au flamboyant Viktor Iouchtchenko, plus préoccupé par l'histoire de l'Ukraine que par la situation économique catastrophique du pays. « Ianoukovitch veut être le président de toute l'Ukraine, assure Anna Herman, sa fidèle conseillère. Vous savez, c'est le genre d'homme qui sait construire une mine, mais qui ne va pas aller dire aux Ukrainiens de telle ou telle région quel monument ils doivent fleurir ». Pourtant, malgré les discours d'apaisement, l'arrivée de Ianoukovitch à la présidence signe bien la revanche d'une certaine Ukraine. Celle, russophone, de l'Est et du Sud, humilié en 2004, qui milite pour un rétablissement de liens étroits avec Moscou. Et alors que l'usage veut que les personnalités publiques s'expriment en ukrainien qui est la seule langue officielle, Viktor Ianoukovitch a prononcé son discours de victoire, dimanche soir, en russe.
Mathilde Goanec.
1950 : Naît le 9 juillet.
1967 : est accusé de trois ans de prison pour vol, coups et blessures.
1997 : devient gouverneur de la région de Donetsk
2002 : devient pour la première fois Premier ministre de l'Ukraine, un poste qu'il retrouve en 2004 et en 2006.
2004 : 26 décembre, troisième tour de la présidentielle ukrainienne. Ianoukovitch, accusé d'avoir falsifié les deux premiers, sera vaincu par le candidat Viktor Iouchtchenko.
7 février 2010 : Viktor Ianoukovitch devient le quatrième président ukrainien depuis l'indépendance du pays en 1991.
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