En collaboration avec Alexandre Billette, correspondant du Temps à Moscou.
Le président Viktor Iouchtchenko voulait rencontrer ce vendredi son homologue russe, Dmitri Medvedev, en marge du sommet de la CEI en Moldavie. Le Kremlin n’a pas donné suite
A quelques mois du scrutin présidentiel, le président ukrainien, Viktor Iouchtchenko, aurait bien voulu profiter du sommet des pays de la Communauté des Etats indépendants (CEI, ex-URSS moins les pays Baltes et la Géorgie), ce vendredi en Moldavie, pour initier un rapprochement avec Moscou en rencontrant le président russe, Dmitri Medvedev, seul à seul. Une proposition à laquelle le Kremlin n’a pas donné suite.
L’ancien héros de la Révolution orange en rêvait pourtant, de ce petit tête-à-tête réconciliateur avec Dmitri Medvedev, sous l’œil des photographes et des caméras. En prévision de l’élection présidentielle du 17 janvier prochain, Viktor Iouchtchenko cherche depuis quelque temps à redorer son blason auprès de l’électorat russophone du pays, et tente de se rabibocher avec le puissant voisin russe, acteur incontournable, encore aujourd’hui, du jeu politique ukrainien.
La presse ukrainienne n’a pas manqué jeudi de relever cette fin de non-recevoir. «Iouchtchenko ignoré par Medvedev», ont ainsi titré les journaux en ligne Forum et Politinform. Une rencontre pourtant «indispensable», selon l’agence de presse Unian. Le journal Odnako Ukraïna donne d’ailleurs la parole au politologue Vitaly Bala, qui estime que cette réunion aurait permis à Viktor Iouchtchenko de se montrer comme «le seul protecteur des intérêts de l’Ukraine et d’ajouter à son image celle d’un président prêt au débat, même avec l’inamicale Russie». C’est raté. Un échec qui pourrait même remettre en cause le déplacement moldave du président ukrainien, selon le quotidien moscovite Kommersant. Contacté par Le Temps hier, le secrétariat présidentiel ukrainien ne pouvait confirmer ou infirmer l’information.
Multiples différends
Vu du Kremlin, Viktor Iouchtchenko n’a que des défauts: farouchement atlantiste, dangereux révisionniste de l’histoire, défenseur acharné de la langue ukrainienne. Depuis la Révolution orange, les conflits gaziers, la présence de militaires russes dans la péninsule de Crimée et les querelles linguistiques empoisonnent les relations bilatérales. Le point d’orgue de la discorde a été atteint lors de la guerre en Géorgie, en août 20 08, quand Viktor Iouchtchenko a pris fait et cause pour le dirigeant géorgien, Mikhaïl Saakachvili, dont il est le parrain de l’un des fils.
Alors que l’échéance présidentielle mobilise la classe politique ukrainienne, les relations entre le Kremlin et Viktor Iouchtchenko connaissent un nouveau coup de froid. Début août, Dmitri Medvedev s’est fendu d’une lettre ouverte au président ukrainien, l’accusant de «renoncer aux principes d’amitié et de partenariat avec la Russie, formalisés par les accords bilatéraux de 1997». Pour bien enfoncer le clou, le chef du Kremlin déclarait par la même occasion que l’envoi d’un nouvel ambassadeur de Russie en Ukraine, annoncé en juin, était repoussé, ajoutant que «l’arrivée de nouveaux dirigeants à Kiev» permettrait d’inverser la tendance dans les relations russo-ukrainiennes. La messe était dite.
Le Kremlin pourrait également être tenté d’influencer le scrutin ukrainien en utilisant, encore une fois, le dossier gazier. En septembre, la direction du géant Gazprom, bras armé de la diplomatie russe, évoquait le «risque d’un retard de paiement par l’Ukraine en janvier», tandis que le président ukrainien lui-même, interviewé dans la presse française, reconnaissait que la question «ne sera sans doute pas réglée avant le 31 décembre».
Profil bas
En baisse dans les sondages, lâché par les Européens, négligé par Washington, l’ancien héros de la Révolution orange doit néanmoins mâcher ses mots face à Moscou. En face, ses adversaires, Ioulia Timochenko en tête, font depuis des mois profil bas devant le Kremlin, conscients de l’importance de son soutien pour remporter la bataille électorale. La première ministre doit quant à elle rencontrer son homologue russe, Vladimir Poutine, en novembre. Il y a fort à parier que cette rencontre-là aura bien lieu.
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