Les déboires des héros de la Révolution orange
Aujourd'hui, alors que la nouvelle campagne présidentielle est lancée, la dame de fer de la politique ukrainienne est l'un des favoris pour succéder à Viktor Iouchtchenko. Un président sortant, bien absent de ce début de joute électorale: avec moins de 5% de promesses de vote selon les derniers sondages, l'ancien champion fait de la figuration et mène une campagne pour le moment inexistante, faute de soutiens financiers et politiques. Au cours de son mandat, Iouchtchenko aura réussi à irriter ses partenaires européens, à décevoir l'opinion publique ukrainienne tout en échouant à réformer le pays et à lutter contre la corruption. Surtout, il n'a eu de cesse d'agacer la Russie et la moitié russophone de la population ukrainienne, en menant des politiques nationalistes jugées hostiles à Moscou.
Victor Ianoukovitch, le candidat pro-russe, part grand favori
Sur ce constat d'échec de l'expérience orange, c'est le grand perdant de 2004, Viktor Ianoukovitch, qui apparaît dans les sondages comme le favori de l'élection du 17 janvier prochain. Le chef de l'opposition n'a pas de mal à fédérer autour de lui l'électorat russophone, et bénéficie donc de plus de 30% de promesses de vote au premier tour. Ianoukovitch, dont la large carrure, le brushing parfait et le regard déterminé concurrence sur les panneaux d'affichage sa grande rivale Timochenko. Le chef du Parti des Régions ne fait pas dans l'originalité, mais dans l'interactivité, en invitant les ukrainiens à l'appeler sur une ligne téléphonique gratuite pour lui confier leurs opinions et leurs problèmes. « Ton avis est important », proclamait-il ces derniers jours, avant d'annoncer qu'avec Ianoukovitch président, « tous les problème trouveront une solution ».
Un jeune outsider joue les « Obama ukrainiens »
Omniprésence publicitaire, et flou programmatique généralisé, la campagne présidentielle 2010 commence sur des bases bien ternes, par rapport aux déchaînements de passion révolutionnaire et au grand choix proposé par les oranges en 2004 face à l'arrière-garde pro-russe et post-soviétique. Et celui qui devait incarner la volonté de rupture semble avoir fait long feu : Arseniy Yatseniouk, 35 ans (tout juste l'âge légal pour être candidat), ancien président du Parlement, n'en finissait pas de se présenter ces derniers mois comme l' « Obama blanc ukrainien ». « Ils prennent tous les Ukrainiens pour des idiots », s'emportait dernièrement le jeune politicien, qui s'engage dans ses meetings de campagne à tailler à la machette dans le système de la corruption généralisée et à faire tomber des têtes en haut-lieu. Un discours volontaire mais déjà trop entendu pour une opinion publique ukrainienne résignée, et fatiguée des grandes promesses.
La campagne de Yatseniouk, lancée dès cet été, visait à redonner de la couleur et de l'autorité à un candidat souvent jugé trop fade et inexpérimenté. Sur les affiches de campagne, couleur kaki et rayures noires, le visage poupin du candidat, mâchoire serrée, dessiné en ombre de couleurs dans un style très « Obama ». Une débauche de force et d'esthétique militaire qui a fait rire plutôt qu'elle n'a convaincu, et a renvoyé le jeune outsider, auparavant crédité de près de 20% de voix dans les sondages, à moins de 9% aujourd'hui.
Pour aller plus loin :
RFI.FR : Un scandale pédophile éclabousse ce début de campagne |
L'affaire est « sortie » en milieu de semaine dernière, à peine quelques jours avant le début officiel de la campagne : une plainte déposée par une mère de famille, pour abus sexuels sur ses deux enfants, une fille de 12 ans et un garçon de 9 ans. Les jeunes victimes s'étaient plaints d'avoir été violés par plusieurs hommes en réunion, sur le site du mythique et très soviétique centre de vacances d'Artek, en Crimée. En cause, le beau-père des enfants, mais aussi, trois députés proches de Ioulia Timochenko, dont un de ses plus proches conseillers de campagne, Viktor Oukolov. La plainte de la mère, déposée en avril, n'avait jamais été suivie d'enquête véritable, malgré sa persévérance à alerter toutes les autorités compétentes. C'est par le biais de députés de l'opposition, proches de Viktor Ianoukovitch, que cette « affaire Artek » revient sur le devant de la scène médiatique et politique, mardi 13 octobre. Les noms des députés sont publiés, une enquête parlementaire est mise en place, et le scandale atteint rapidement l'entourage du Premier ministre. Oukolov démissionne immédiatement, pour ne pas nuire à la campagne de sa candidate, mais crie à l'attaque politique et au scandale instrumentalisé. L'affaire depuis a fait grand bruit, et pour l'heure seul le beau-père des enfants a été interpellé et accusé d'abus sexuel sur mineurs. Ce mardi, le Parlement ukrainien, poussé par les députés de l'opposition, a voté un projet d'amendement de la Constitution pour lever l'immunité des parlementaires. Et sans attendre que la Justice ne fasse son travail, médias et politiques se repaissent de cette sordide affaire, sans respect ni pour la protection des enfants, ni pour la présomption d'innocence. « On ne pouvait pas tomber plus bas », titrait samedi un éditorialiste de l'hebdomadaire Zerkalo Tijdnia. LE SOIR : Pression et fraudesHandicapés par un climat économique morose, et face à la désillusion grandissante des Ukrainiens, les candidats jouent pour l’instant plus sur l’image et la polémique que sur des programmes solides pour rallier les électeurs. Dans le camp de Ioulia Timochenko, on profite aussi des ressources administratives. Le Premier ministre a ainsi obtenu d’un tribunal administratif de Kiev l’interdiction de toute « publicité négative » contre le gouvernement. De nombreux défenseurs des droits de l’homme ont dénoncé cette décision. Par ailleurs, une réforme de la loi électorale et l’établissement des listes d`électeurs donnent déjà lieu aux premiers soupçons de fraudes. |
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