En l'absence de filière dédiée, c'est par conviction personnelle que Semion Antoniets produit tout en bio depuis 32 ans.
« Cette exploitation est un exemple unique, en Ukraine mais aussi dans toute l'Europe. Parce qu'ici, pendant 32 ans, on a cultivé la terre sans utiliser un gramme de chimie! » Anatoly Moskalenko, directeur de l'Institut agraire de microbiologie d'Ukraine, n'en revient pas : la terre qu'il touche est molle, encore humide malgré les hautes températures continues de ce mois de juillet ukrainien. Nous sommes près de Poltava, à trois heures de la capitale, sur les terres de Semion Antoniets. En 1978, ce directeur respecté de kolkhoze, s'inquiète des maladies que contractent ses ouvriers à la suite de manipulations d'engrais chimiques. « Je me suis donné un seul but : protéger la santé des gens. Mais à cette époque on avait un plan sévère, il y avait des chiffres et il fallait les remplir. Et on l'a fait ». A l'indépendance de l'Ukraine, il ne renonce pas son credo: Agroékologia, son exploitation, s'étend aujourd'hui sur 8000 hectares et est 100 % biologique. Les céréales et oléagineux cultivés (blé, orge, avoine, maïs, tournesol...) servent surtout à nourrir le bétail, 5070 têtes dont 1880 vaches et 800 cochons. Une production qu'il vend au même prix que ses voisins pratiquant l'agriculture conventionnelle (voir encadré).
Agronome réputé, Antoniets continue d'appliquer des méthodes qu'il qualifie de « logiques », avec en premier lieu une mise en jachère tous les quatre ans des terres, sur lesquelles on cultive uniquement des herbes fixant l'azote du sol. « Ce que l'on peut faire sur du petit, on peut le faire en grand... Mais si on veut faire du bio, on doit avoir sur son exploitation du bétail, pour que les animaux produisent du fumier. Et travailler doucement la terre, ne pas labourer. » Peu reconnu chez lui, Semion Antoniets a été remarqué à l'international par la réalisatrice Coline Serreau, qui en a fait l'un des héros de son film « Solutions locales pour un désordre global ». Jean Roche, directeur de la société de conseil et d'études Beten, basé en Ukraine, a alors joué les intermédiaires. Il n'en revient toujours pas d'avoir rencontré cet agriculteur hors-normes : « On a mis plus d'un an à le trouver ! Nous étions convaincus qu'il faisait du bio, mais personne ne l'avait jamais prouvé, donc on fait venir l'organisme Ecocert. Une ferme bio de cette taille, ils n'en avaient jamais vu... La partie végétale a été certifiée mais aussi la partie animale parce qu'il y a un cercle vertueux entre alimentation animale et humaine. C'est ça le secret ».
Une production vendue au même prix que le conventionnel
L'exploitation emploie 500 personnes, produit 10 000 tonnes de lait par an, 800 tonnes de viandes et 2000 à 3000 tonnes de blé. Elle est rentable, même si Semion Antoniets ne valorise pas à la vente sa production biologique, faute de filière. Il vend donc son lait 30 centimes d'euro le litre, avec seulement 2 centimes de plus pour sa qualité « extra classe », destinée à l'alimentation des enfants.
Les balbutiements du bio en Ukraine
Il n'y a toujours pas de loi sur l'agriculture biologique en Ukraine, qui reste marginale, à la production comme à la vente. L'association des fermiers biologiques suisses a réussi pourtant à créer une filière de certification locale. Il y aurait en tout près de 200 000 hectares cultivés en biologique dans le pays. Le potentiel reste immense : nombre de terres, cultivées avec force intrants sous l'URSS, ont été abandonnées depuis, faute de moyens, et ont ainsi pu se régénérer.
Mathilde GOANEC
Bon, je vais faire tout ça depuis mon bureau actuel à Montreuil, mais ca le fait quand même!
Rédigé par : coach shoes | mercredi 17 nov 2010 à 01h17