L’élection présidentielle a lieu dimanche, mais la fièvre électorale est loin de s’être emparée de l’Ukraine. Pourtant, pour la première fois depuis la «révolution orange», de 2004, le candidat prorusse Viktor Ianoukovitch, battu à l’époque malgré les fraudes et les pressions du Kremlin, a de bonnes chances de prendre sa revanche. Mais les rêves se sont évanouis, notamment en raison des interminables conflits entre les deux têtes du mouvement, Viktor Iouchtchenko, l’actuel président, et Ioulia Timochenko, la Première ministre. Les déçus de la «révolution orange» sont légion et les Ukrainiens sont lassés de la politique. A tel point que l’on craint une forte abstention lors du premier tour.
Le mécontentement généralisé pourrait aussi s’exprimer dans les urnes, par le biais du vote «contre tous», possibilité offerte par la loi électorale ukrainienne. Un jeune mouvement de gauche radical en a d’ailleurs fait son slogan pour cette campagne. «Lors de la dernière présidentielle, les gens ont fait confiance à un candidat d’opposition et, en cinq ans, ils ont eu amplement l’occasion de se rendre compte que les promesses n’étaient pas du tout tenues, explique Vitaly, un des meneurs.Donc on comprend pourquoi cette fois-ci beaucoup plus de gens vont voter contre tous.» Dans les sondages, selon les différents instituts, le vote «contre tous» réunit entre 5 % et 15 % des voix, sans compter ceux qui n’iront pas voter.
Après l’effervescence de l’élection de 2004, qui a vu éclore la révolution orange, les espoirs sont retombés et le cynisme a pris le pas sur les convictions politiques. Tarass, sous la neige, un drapeau à la main, assistait mercredi à un meeting de Ioulia Timochenko, mais il n’en est pas moins lucide sur le rassemblement qui se déroule sous ses yeux. «La moitié des gens que vous voyez ici sont payés. Bien sûr que Timochenko paye aussi, qui ne le fait pas ? Ianoukovitch [candidat de l’opposition, en tête dans les sondages, ndlr] donne lui aussi de l’argent, mon frère est allé à l’un de ses meetings récemment…»
Les principaux partis ukrainiens sont de vraies machines électorales, qui réunissent nombre de professionnels mais suscitent un militantisme tout relatif. «Le vote contre tous, dans ce contexte de manipulation, n’a pas vraiment de poids, concède Vitaly, mais il s’agit d’un baromètre du manque de confiance grandissant des Ukrainiens dans le système politique. Et ce n’est pas rassurant, car beaucoup de gens assimilent le bazar politique actuel à la démocratie, et en concluent qu’il faut revenir à un pouvoir plus fort et plus autoritaire.»
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