Après plus de trois semaines de conflit entre la Russie et l'Ukraine, bilan des négociations gazières, achevées lundi soir à Moscou.
Tarifs du gaz : combien l’Ukraine va-t’elle payer ?
Selon le contrat signé lundi à Moscou, dès 2010 l’Ukraine devra s’aligner sur « le prix européen », au
lieu du tarif très avantageux de 179 dollars les 1000 m3 de gaz qu’elle payait en 2008. Pour 2009, un Gazprom lui a consenti un rabais de 20%. Seul hic, personne ne sait vraiment à combien s’élève ce fameux « prix européen ». « C’est la question la plus obscure du business gazier, confirme Dimitry Naumenko, de l’Institut des recherches économiques de Kiev. Pour Gazprom, cela veut dire environ 450 dollars pour 1000 m3, ce qui fait 360 dollars pour 1000 m3 pour l’Ukraine, en comptant le rabais. Mais en réalité, chaque pays européen paye un prix différent, selon ses rapports qu’il entretient avec la Russie ». Pour l’Ukraine, Vladimir Poutine a plutôt choisi le haut de la fourchette… Pas question de se rattraper sur le transit : la Russie payera en 2009 le même prix qu’en 2008, soit 1,7 dollars pour 1000 m3 sur 100 km, même si les tarifs devraient eux aussi s'aligner sur les standards européens, et donc augmenter, en 2010. Enfin, c’est finalement à l’Ukraine de s’acquitter du payement du gaz technique, nécessaire à l’exportation du gaz russe vers l’Europe, soit 11 milliards de m3 supplémentaires sur la facture, à 164 dollars les 1000 m3.
L’Ukraine peut-elle supporter une hausse des prix ?
Les partisans de Ioulia Timochenko, architecte de l’accord, ont tenté hier de rassurer l’opinion. Si l’on suit la logique européenne, le prix du gaz, aligné sur celui du pétrole, devrait baisser dès le printemps, pour passer sous la barre des 250 dollars les 1000 m3, ce qui donne selon le Premier ministre un prix moyen de 238$ les 1000m3 sur l'année. En attendant, l’Ukraine peut puiser dans ses immenses réserves pour limiter ses importations. Mais à long terme, le pays sera, comme les autres, entièrement soumis à la fluctuation du marché. La pilule est dure à avaler, dans un pays où l’on a pris l’habitude de dépenser le gaz sans compter. Dans les villes, le chauffage est collectif, et poussé à fond pour réchauffer des bâtiments mal isolés. Les compteurs sont souvent inexistants et la déperdition très importante dans les réseaux vétustes. Le gaz est également le nerf de l’économie ukrainienne, basée sur la métallurgie et la chimie. Ces deux secteurs vont souffrir de la hausse des tarifs, au moment même où la crise financière mondiale les touche de plein fouet.
Face à cette sombre perspective, la classe politique est, comme à son habitude, largement divisée. Viktor Ianoukovitch, chef de file de l’opposition, a ainsi déclaré lundi qu’un gaz « à plus de 250 dollars serait une catastrophe pour l’Ukraine ». L’homme sait de quoi il parle, il est l’un des barons du bassin industriel du Donbass, à l’est du pays. Le secrétariat présidentiel serait lui « déçu et anéanti » par le résultat des négociations, alors que le Président accuse encore une fois Timochenko de servir les intérêts des Russes. Mais Viktor Iouchtchenko n'a d'autre choix d'accepter ces conditions, car il est, depuis une loi votée à une large majorité jeudi dernier au Parlement, sous la menace réelle d’une procédure de destitution.
Les intermédiaires vont-ils disparaître ?
Selon la presse ukrainienne et russe, la très trouble compagnie Rosukrenergo, chargée de l’approvisionnement de l’Ukraine en gaz turkmène via Gazprom, disparaîtra du schéma gazier. En réalité, cette société garde la main sur une partie des réserves de gaz en Ukraine et sur les exportations vers l’Europe de l’Est. Alexandre Medvedev, vice-président de Gazprom, a par ailleurs annoncé hier qu’une autre compagnie intermédiaire, Gazpromsbit, aurait désormais accès à l’approvisionnement de 25 % des industriels ukrainiens. On est loin de l’assainissement réclamé par les Ukrainiens, et promis par Iouchtchenko lors de la Révolution orange de 2004.