En difficulté financière comme le reste du monde depuis le début de l’automne, l’Ukraine plonge cette
semaine à la fois dans l’hiver et dans la récession. En cause, la dépréciation phénoménale de la hryvnia (UAH), la monnaie nationale, qui a atteint un taux de change historique face au dollar, soit 7,4 UAH pour un dollar, le taux habituel étant fixé à 5,05 UAH/dollar. « La pression sur la hryvnia est extrêmement forte depuis le mois d’octobre, confirme Véronika Movchan, analyste économique à Kiev. Cette situation s’explique bien sûr par le contexte de crise mondiale, mais aussi par des spécificités du système ukrainien. Ce pays importe beaucoup plus qu’il n’exporte et est très dépendant des capitaux étrangers. Le résultat de cette crise mondiale, c’est la fuite des capitaux étrangers d’Ukraine et la chute de nos rares exportations, comme dans le secteur de la métallurgie, très touché par la baisse du cours du métal ».
Ces mauvais signaux économiques et la faillite de l’une des plus grosses banques du pays, Prominvest, ont achevé d’affoler la population. Les Ukrainiens se sont ruée ces dernières semaines dans les institutions bancaires, pour en faire sortir leurs économies. Le phénomène de dépréciation de la hryvnia s’est encore accéléré par de très importants transferts de fonds de la monnaie nationale en dollars ou en euros, à tel point qu’il est désormais presque impossible de trouver des devises étrangères dans la capitale. Car dès que la crise pointe le bout de son nez, les Ukrainiens, qui gardent en mémoire la grande dévaluation de 1998, s’empressent de gonfler leurs matelas de billets verts. Signe d’une confiance toute relative dans leur monnaie et leur système bancaire : « Nombre d’habitants gardent leurs économies chez eux et changent tout ce qu’ils ont en dollars ou en euros, confirme Véronika Movchan. Les grosses transactions, appartements, voitures, meubles… sont effectuées en dollars, qui reste la monnaie de référence. » Tatiana, une kiévienne rencontrée sur les marches de la Banque nationale, ne décolère pas: « Je viens me plaindre, parce que ma banque n'accepte pas que je retire de l'argent sur mon épargne, et me demande de payer une commission importante pour pouvoir y avoir accès. C'est un vrai problème... ». Si Tatiana a finalement accès à son épargne, elle filera directement dans un bureau de change. « Bien sûr, parce que la hryvnia n'en finit pas de se déprécier. Une fois qu’on aura touché l’argent de nos comptes, il aura déjà perdu la moitié de sa valeur... »
D’ores et déjà, l’impact de cette crise se fait sentir sur l'économie réelle. Rencontré au marché de Loukianivka au centre de Kiev, Alexeï, 22 ans, est juriste : « Dans mon cabinet, on a déjà perdu beaucoup de clients, l’activité diminue. Pour ceux qui ont leurs économies en dollars, ça va, mais pour ceux qui ont tout en hryvnia, c’est la catastrophe». Son sac de provisions à la main, le jeune homme « remercie le ciel » car au moins, il n’a pas de crédit sur le dos. « La plupart des crédits sont établis en dollars ou en euros, explique Véronika Movchan. Mais comme les gens reçoivent leur salaire en hryvnia, ils se retrouvent avec des remboursements deux fois plus importants à payer chaque mois ».
Pour les plus pauvres de la société ukrainienne, qui ont cessé depuis longtemps de croire aux miracles économiques, la situation ne devrait guère changer. C’est la classe moyenne naissante, celle qui consomme, voyage et emprunte, qui est la plus touchée par la crise. Nombre d’entreprises ont déjà commencé à licencier ou à réduire le temps de travail et ne comptent pas s’arrêter là, notamment dans l’industrie métallurgique, la chimie, la construction et les entreprises de services. Les produits d’importations, très nombreux, ont vu leurs prix multiplier par deux. Enfin, le prix du gaz et le pétrole, achetés à l’étranger et dont l’Ukraine est très dépendante, pourrait aussi flamber dans les temps à venir.
Mathilde GOANEC
La coalition démocratique et pro-occidentale reformée
Alors qu’elle avait volé en éclats début septembre, la coalition démocratique s’est reformée avant-hier au Parlement ukrainien. On y retrouve les blocs politiques des deux leaders pro-occidentaux Ioulia Timochenko et Viktor Iouchtchenko, ceux-là mêmes qui depuis deux mois n'en finissaient pas de s'injurier et de s'accuser des pires trahisons. Le spectre des élections législatives anticipées, pour l’instant suspendues, semble donc s’éloigner un peu plus. Ioulia Timochenko s’est félicitée hier de cette sortie de crise et parle même d’un remaniement gouvernemental, « pour faire face aux défis de la crise économique ». Seule différence majeure, le rattachement à la coalition démocratique du bloc de Volodymyr Litvine, qui retrouve au passage le poste de président du Parlement. Son poids électoral et sa notoriété lui confèrent deux missions, celles de consolider la nouvelle majorité et jouer le rôle de médiateur entre le Président et le Premier ministre. Car cette coalition de bric et de broc devra survivre à la prochaine bataille politique qui s’annonce entre Iouchtchenko et Timochenko, tous deux candidats à la prochaine élection présidentielle. Celle-ci devrait avoir lieu début 2010.
Commentaires