Le président Victor Iouchtchenko rappelle tout le monde aux urnes et prépare de nouvelles alliances.
Kiev, de notre correspondante.
C’est depuis l’Italie, dans un message télévisé pré-enregistré, que Victor Iouchtchenko a annoncé mercredi la dissolution du Parlement ukrainien. Pas vraiment une surprise, mais une impression tenace de « déjà vu » pour les ukrainiens, appelés aux urnes pour la troisième fois en trois ans. Le scrutin est prévu le 7 décembre 2008, à condition de résoudre une dernière bizarrerie constitutionnelle: les députés d’un Parlement sensément dissout vont en effet devoir voter une dernière fois, en l'occurence la loi sur le financement de la future campagne. Les députés du Biout, le parti du Ioulia Timochenko, qui dénoncent cette campagne lancée en pleine crise financière mondiale, pourraient tenter d'empêcher ou de retarder au maximum l'ouverture de la campagne.
C’est la guerre en Ossétie qui aura servi de détonateur à la crise parlementaire. Le président ukrainien y a pris fait et cause derrière la position dure de l'OTAN, alors que Timochenko faisait plutôt profil bas face aux russes. Depuis, Viktor Iouchtchenko n’a eu de cesse d’accuser son Premier ministre de servir les intérêts du Kremlin, allant même jusqu’à parler de haute trahison. Timochenko, en retour, n’a pas hésité à voter contre le bloc présidentiel au Parlement, créant ainsi une alliance opportune et inédite avec le Parti des régions, considéré comme plutôt pro-russe. La coalition démocratique, issue de la révolution orange, vivait alors ses dernières heures. Début septembre, Victor Iouchtchenko prenait acte de son éclatement, et appelait à la formation d’une nouvelle coalition sous trente jours. Faute de quoi, il dissoudrait le Parlement. Une menace mise à exécution mercredi soir, après une série de négociations perdues d’avance.
À première vue, cette décision s’apparente à un véritable suicide politique pour le Président. Iouchtchenko est au plus bas dans les sondages, alors que sa grande rivale Ioulia Timochenko caracole en tête. Mais ni l’un ni l’autre ne peut espérer l’emporter seul, et au sein des partis, on envisage toutes les alliances. Premier convoité, le Parti des régions, première force politique du pays, ennemi traditionnel du camp orange mais allié potentiel au gré des échéances électorales. « Le premier objectif de Victor Iouchtchenko, c’est de se débarrasser de Ioulia, estime Olexei Haran, directeur de l’Ecole d’études politiques de l’université Mohila, à Kiev. Pour ça, il n’a pas vraiment le choix … il va devoir s’allier avec le Parti des régions, en jouant sur l’idée de réunification nationale. D’ailleurs, ce ne serait pas la première fois, il l’a déjà fait lors des législatives de 2006 ». Comme pour confirmer ces rumeurs d’alliance contre-nature, la presse ukrainienne a fait état ces dernières semaines des rapprochements qui se jouent en coulisses entre Victor Iouchtchenko et Rinat Akhmetov. Ce dernier n’est rien de moins que l’homme le plus riche d’Ukraine, député et sponsor principal du Parti des régions.
Au Biout, les partisans de Ioulia Timochenko ne sont pas en reste. Ils courtisent sans vergogne les fractions autrefois acquises à Iouchtchenko au sein du bloc présidentiel « Notre Ukraine ». “Nous sommes prêts à l’unification des forces démocratiques en Ukraine, a déclaré le député du Biout Valeriy Pysarenko, en n’excluant pas l’arrivée de nouvelles personnalités politiques sur la liste du Biout, comme le ministre de l'Intérieur Youri Loutsenko, leader du parti « Autodéfense populaire ». Ce sont peut-être ces petits partis, en orbite présidentielle depuis trop longtemps au goût de leurs chefs, qui feront basculer les équilibres en décembre prochain.
« Pour l’instant, c’est Timochenko qui semble le plus à même de se présenter comme l’héritière de la révolution orange, analyse Olexeï Haran. Elle a aussi montré à la Russie qu’elle n’était pas une si mauvaise candidate, par sa flexibilité et son pragmatisme ces derniers jours». Elle pourrait donc bien l’emporter. Dans le cas contraire, le Premier ministre rentrera dans l’opposition et aura toute latitude pour préparer les présidentielles de l’an prochain. Cette ère « post-orange » qui s’annonce, si elle peut bouleverser l’échiquier du Parlement à court terme, se disputera donc vraisemblablement entre les éternels mêmes joueurs.
Côté radio, plusieurs papiers sur le sujet sur les antennes de Radio France et des radios francophones depuis l'annonce de la dissolution. En écoute, celui diffusé dans le journal de 12h30 de France Culture, ce jeudi 09 octobre...
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