Sur RFI, lundi matin, un reportage de Camille. Téléchargement reportage_sbastopol.mp3 Egalement ici sur France culture, dans le journal de 8h.
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Le Moskva, le Miraj et le Tourbinist sont finalement de retour «à la maison», à Sébastopol. Samedi soir, Léna, femme d'officier russe, ne cachait pas sa joie: «Vous savez, c'était la première fois que nous voyions partir ces bateaux en mission, alors nous sommes très heureux de les voir rentrer. L'armée russe a fait son devoir en allant défendre ses citoyens en Ossétie.» Véritable bastion russe en territoire ukrainien, Sébastopol a donc accueilli en héros les navires de guerre de la flotte russe de la mer Noire, ayant combattu la semaine dernière les Géorgiens. Et alors que, dans la capitale ukrainienne, le président Iouchtchenko célébrait l'indépendance de son pays en baisant à genoux le drapeau ukrainien, les habitants de Sébastopol ont arboré fièrement tee-shirts et pavillons aux couleurs de la Russie. Accord jusqu'en 2017 Installée depuis 225 ans à Sébastopol, la flotte russe de la mer Noire est pourtant en sursis. Le gouvernement ukrainien ne souhaite pas prolonger l'accord signé en 1997 entre la Russie et l'Ukraine et qui autorisait une présence militaire russe à Sébastopol jusqu'en 2017. Le président ukrainien n'a cessé de vilipender l'action des navires russes de Sébastopol en Géorgie pendant toute la durée du conflit et hier, il a répété sa volonté de rattacher l'Ukraine à l'OTAN et au bloc occidental, ce qui signifie évidemment le départ de la flotte. Une politique de mise à l'index des Russes, qui exaspère chaque jour un peu plus les Sébastopolites. A l'aplomb du port, une volée de marches mène à la statue de Lénine, intacte, le bras pointant l'azur. A sa droite s'élèvent les élégants bâtiments de l'état-major russe. Un imposant dispositif policier est déployé autour d'une dizaine de manifestants. Ce sont de jeunes étudiants ukrainiens, venus de différentes régions du pays pour protester contre le retour des bateaux et plus généralement contre la présence de la flotte russe à Sébastopol. «Ce matin, des gens sont venus casser nos tentes et nos pancartes», raconte Oleg Iatsenko, régulièrement pris à partie par les habitants de la ville: «Qu'est-ce qu'on ne ferait pas pour de l'argent, lui crie un passant. Vous travaillez pour les Etats-Unis!» «Mon grand-père était communiste, lui répond Oleg, et ma mère est Russe...». Parfait dans son rôle de militant nationaliste pacifique, Oleg poursuit, imperturbable: «Je parle russe et ukrainien, je respecte les autres nationalités, mais tout ce qui concerne la Russie comme Etat, ce n'est pas possible. Ils ne peuvent pas rester en Ukraine ou en Géorgie et semer le trouble comme ils le font.» Quelques minutes plus tard, deux énormes camions militaires russes viennent se garer devant les étudiants et leurs drapeaux. Fin de la manifestation. Récupérer la Crimée et Sébastopol Quelques mètres plus bas, rassemblés autour de la statue de la tsarine Catherine II, fondatrice de la ville, veillent les Cosaques Kourin. Ces jeunes gens perpétuent la tradition de ce peuple de guerriers russes, qui formaient à l'époque de l'impératrice sa garde rapprochée. Aujourd'hui, l'organisation paramilitaire et pro-russe se fait forte de «garantir la paix en Crimée». Leur chef, l'attaman (chef militaire en cosaque) Sergueï Iourtchenko, ne cache pas son aversion pour les militants nationalistes installés plus haut: «Ce matin, quand nous sommes allés à l'église, nous les avons vus. C'est vrai, on a cassé leurs tentes, mais on n'a pas touché aux drapeaux, parce que nous sommes Ukrainiens nous aussi.» Pas à un paradoxe près, Sergueï confirme: «Je vais aller ce soir au concert pour la fête de l'Ukraine, pour faire mon devoir, mais vous savez ici, en Crimée, 80% des gens sont russophones et se sentent Russes. Nous attendons avec impatience que la Russie entreprenne des démarches pour récupérer la Crimée et Sébastopol.» S'ils sont ici poussés à l'extrême, les vieux démons séparatistes ont repris de la vigueur ces derniers jours, sur fond de conflit géorgien. Ralliant parfois les plus modérés, à l'image d'Irina, une Russe de 43 ans, qui a vécu toute sa vie en Ukraine: «Il y a encore quelques mois, j'étais pour l'OTAN, et je voulais même prendre un passeport ukrainien. Mais j'ai changé d'avis. L'Etat ukrainien, en soutenant le président géorgien, qui a tué des femmes et des enfants russes, a fait une grosse erreur.» Et même si, ce week-end, les habitants de Sébastopol applaudissaient chaleureusement les troupes folkloriques débarquées pour célébrer l'indépendance ukrainienne, c'est bien aux bateaux russes que l'on a fait la fête. |
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