L'Ukraine, l'ancien «grenier à blé» de l'URSS, est toujours un acteur qui compte dans la production mondiale de blé. Le pays a produit 29 millions de tonnes de grain en 2007, et la récolte devrait tourner cette année autour de 40 à 50 millions de tonnes de grain. Une manne dont la planète ne peut se passer en ces temps de disette alimentaire, arguë la Banque mondiale, qui a appelé la semaine dernière l'Ukraine à lever ses quotas à l'exportation. Car depuis 18 mois, après des récoltes décevantes dans le pays, le gouvernement ukrainien a décidé de limiter l'exportation de son blé, pour protéger le marché national du déficit et de l'inflation des prix.
Nouvelle inflation Malgré les prévisions optimistes pour la récolte à venir, il n'est pas sûr que Ioulia Timochenko, le premier ministre ukrainien, cédera à la pression internationale. Après avoir promis la levée des quotas fin avril, Timochenko les a prolongés jusqu'en juillet, et les experts s'accordent à dire que la suppression totale des quotas n'est pas encore pour cette année. La blonde Ioulia, qui entretient scrupuleusement sa popularité, craint en effet de provoquer une nouvelle inflation des prix alimentaires sur le marché domestique, si elle supprime ces fameux quotas. «Ce faisant, on permet aux producteurs ukrainiens de vendre leur grain à l'étranger aux prix qui sont pratiqués sur le marché mondial, explique l'économiste Sergueï Nevmezitsky, du fonds d'investissement Sokrat, à Kiev. Et ces entreprises risquent ensuite de vouloir ajuster le marché ukrainien aux prix mondiaux, ce qui ferait à nouveau augmenter les coûts alimentaires dans le pays.»
La sourde oreille Avec une inflation de plus de 42% du coût global de la nourriture ces douze derniers mois, l'Ukraine est le pays d'ex-URSS le plus touché par la crise mondiale. Elue notamment sur ses promesses de lutter contre «la vie chère», Ioulia Timochenko sait qu'elle court un risque politique majeur à laisser les prix s'envoler: «En Ukraine, le prix de la nourriture reste 30% moins élevé que dans le reste de l'Europe. Mais les salaires aussi sont plus faibles, et les Ukrainiens ne pourront pas supporter une nouvelle hausse des prix», estime l'analyste financière Ioulia Nosal.
Difficile pourtant pour le gouvernement ukrainien de faire éternellement la sourde oreille aux appels internationaux, alors que selon les économistes, les stocks de blé commencent à s'accumuler dans le pays. Les producteurs ukrainiens, qui souhaiteraient profiter de la flambée des prix des matières premières agricoles, ne sont pas en reste pour exprimer leur mécontentement contre ces mesures qualifiées de «protectionnistes».
«Premiers lobbyistes de la levée des quotas», selon Sergueï Nevmezitsky, ils rappellent l'Ukraine à ses engagements internationaux: le pays deviendra officiellement membre de l'OMC le 16 mai prochain et négocie actuellement un accord de libre-échange avec l'Union européenne, ce qui suppose une libéralisation du marché agricole, jusqu'ici très régulé. Mais pour Vasil Iourchishyn, politologue et économiste ukrainien, «si Ioulia Timochenko doit choisir entre la pression internationale et le maintien de ses programmes sociaux, elle favorisera la stabilité nationale». Avec, en ligne de mire, les élections présidentielles ukrainiennes de l'an prochain. |
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