Sur cette visite très suivie par les pays européens, dans le cadre du sommet de l'OTAN à Bucarest, deux papiers, radio et presse écrite :
Bush et Ioutchenko, la visite en direct sur RFI, par Camille MAGNARD
OTAN : la candidature ukrainienne est compromise
Publié le Mercredi 2 avril 2008 dans Le Soir
Mathilde Goanec, à Kiev
Bush a assuré hier, lors de sa visite officielle en Ukraine, Victor Ioutchenko de son soutien, dans le processus d’adhésion à l’OTAN lancé par le pays. L’espoir de voir le pays rentrer dans l’organisation militaire atlantiste s’est pourtant réduit comme peau de chagrin, face aux réticences conjointes de l’Europe de l’Ouest, de la Russie et d’une partie de la population ukrainienne.
La visite officielle de George Bush en Ukraine a rempli ses objectifs : Victor Ioutchenko, porteur du projet d’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, peut compter sur le soutien de son homologue américain lors du sommet de Bucarest, qui débute aujourd’hui. « Votre pays a pris une décision audacieuse et les Etats-Unis soutiendront votre demande », a déclaré George Bush lors de sa conférence de presse, à Kiev. Par ses déclarations répétées, le président américain s’est clairement positionné comme un allié inconditionnel de l’Ukraine dans son virage euro-atlantiste. L’exécutif ukrainien avait bien besoin de ce coup de pouce, alors qu’au fil de la journée, on apprenait, par la voix de son Premier ministre François Fillon, que « la France ne soutiendra pas la candidature ukrainienne à l’OTAN ».
Derrière ces déclarations plane l'ombre de Moscou, qui mène depuis des mois un lobbying forcené contre l’intégration de l’Ukraine au sein de l’alliance atlantique. La Russie possède une base navale de première importance en Ukraine, et voit d’un mauvais œil un nouvel élargissement de l’OTAN à ses frontières. Vladimir Poutine avait d’ailleurs déclaré en février dernier qu’il n’hésiterait pas à « pointer ses missiles » vers l’Ukraine, si, suite à l'adhésion de cette dernière, une base militare de l'OTAN devait s'installer sur le sol ukrainien. Le message a été parfaitement reçu par les puissances européennes, Allemagne et France en tête, qui, depuis, appellent l’Ukraine à réfréner ses ambitions atlantistes, au nom de la « stabilité du continent européen ».
Pour faire face à ce camouflet de la vieille Europe, Victor Ioutchenko et son Premier ministre Ioula Timochenko ne peuvent pas non plus compter sur la population ukrainienne, majoritairement défavorable à la demande officielle d’adhésion à l’OTAN. L’opposition ukrainienne a bien senti qu’elle avait là une occasion de se refaire, après sa défaite aux législatives de l’automne dernier. Elle multiplie depuis les actions : blocage du Parlement pendant 40 jours et manifestations régulières, notamment à l’Est du pays et en Crimée, des régions majoritairement russophones. Depuis deux jours, des partisans du Parti des régions, du Parti communiste et des différents partis socialistes ukrainiens manifestent aussi à Kiev, contre la venue de George Bush et le sommet de Bucarest. Dans les défilés, les drapeaux rouges des nostalgiques de l’URSS se mêlent à la rose socialiste, ainsi qu’aux icônes brandies par les orthodoxes du Patriarcat de Moscou, eux-aussi farouchement hostiles à l’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN. L’anti-américanisme n’est jamais loin, avec un Bush volontiers grimé en nazi, et des slogans résolument dans la tendance « guerre froide ». « L’Ukraine et la Russie sont traditionnellement alliées, explique Alexandre Bondarchuk, l’un des membres du bureau politique du Parti communiste. L’OTAN veut entourer la Russie de tous les côtés, et nous ne voulons pas que l’Ukraine devienne un terrain de rivalité entre deux blocs ». Le parti socialiste progressif, refuse lui l'OTAN au nom de la défense de la « neutralité ukrainienne ». Une neutralité qui s'entend aux côtés de Moscou.
Dans cette situation, la candidature de l’Ukraine examinée dès aujourd'hui à Bucarest semble sérieusement compromise. L’arrivée de nouveaux membres au sein de l’OTAN nécessite l’obtention d’un consensus, qui échappe pour l’instant à l’Ukraine. Mais aujourd’hui ou demain, Victor Ioutchenko n’abandonnera pas sa stratégie, tant son pays a besoin d’un nouveau « parapluie sécuritaire », en particulier depuis que l’Ukraine a pris ses distances avec la Russie.
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