Réveil en seconde classe, dans un train de nuit ukrainien. De la pop russe, diffusée par les haut-parleurs du wagon, sort les passagers de leur torpeur. En cas d'assoupissement prolongé, le responsable du wagon vous secoue sans ménagement.
Désormais, toute cette scène devra se dérouler en langue ukrainienne, selon un récent décret du ministère des Transports. La musique, mais aussi les tickets de trains, de bus ou d'avion ou encore les différents affichages dans les gares ou les aéroports vont devoir abandonner complètement le russe, encore largement usité dans l'ancienne république socialiste d'Ukraine
Loin d'être anecdotique, cette mesure fait partie d'une vaste campagne de revalorisation de l'ukrainien, une langue slave, proche du russe (comme le français l'est de l'italien). Un phénomène lancé avec l'Indépendance du pays en 1991 mais qui a connu une nette accélération depuis l'arrivée du très ukrainophile Victor Ioutchenko au pouvoir, après la « révolution orange » de 2004.
La langue du poète Tarass Schevchenko est devenue l'un des principaux instruments de l'unité nationale et de l'indépendance de l'Ukraine vis-à-vis de la Russie, au grand dam des russophones, qui voient chaque nouvelle mesure comme une discrimination supplémentaire. Car l'Ukraine vit aujourd'hui une situation paradoxale : si deux tiers des habitants se disent de langue maternelle ukrainienne, le pays reste divisé linguistiquement. À l'Ouest, l'ukrainien est très majoritaire, tandis que l'Est et le Sud du pays continuent de vivre en russe. À charge pour les trains désormais strictement ukrainophones de faire circuler et d'imposer la langue nationale dans tout le pays...
Mathilde GOANEC.
Légende : Les stations du métro de Kiev en ukrainien. Comme le russe, cette langue utilise l'alphabet cyrillique mais avec des lettres différentes.
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