Le feu continue de faire rage en Russie, qui a stoppé dimanche ses exportations de blé, afin d’empкcher la flambée des prix et la flambée sociale.
En Ukraine, l’incendie menace toujours la région de la centrale de Tchernobyl,où des voyageurs s’adonnent tranquillement à du « tourisme catastrophe »....
REPORTAGE
De notre envoyée spéciale
Pendant tout le trajet qui relie Kiev, la capitale, à Tchernobyl, j’ai les yeux rivés sur ces champs jaunes et secs, écrasés par la chaleur. Autour de Tchernobyl, théâtre en 1986 d’une impensable catastrophe nucléaire, la radioactivité est partout. Un fort coup de chaud, et les particules des sols se disperseront dans l’atmosphère. Sur cette route, je ne verrai pourtant que quelques champs et une pinède, calcinés, à 50 km de la centrale. Au sein du groupe de touristes que j’accompagne, point d’effroi : « Si c’était dangereux, ils auraient annulé la visite, non ? »
Premier barrage, nous entrons dans la « zone interdite », un cordon sanitaire de 30 km autour du foyer de la catastrophe. Le contrôle des passeports se déroule sans embûche, nous sommes inscrits depuis plus de 2 mois. Officiellement, il n’y a pas de tourisme à Tchernobyl, seulement de simples « visiteurs ». Maxim, notre guide et employé du ministère des Situations d’urgences, ne s’embarrasse pas de ces nuances. « L’an dernier, le magazine Forbes a déclaré que Tchernobyl était l’une des dix destinations les plus exotiques de la planète… Ça a attiré plein de monde. » Ils sont déjà 8.000 cette année à avoir payé le prix fort pour arpenter la terre empoisonnée. Parmi eux, nombre de locaux, qui veulent voir de près la centrale, symbole maléfique qui colle à l’image de l’Ukraine.
Premier choc : dans les rues de Tchernobyl se croisent les passants, le café fonctionne, et des rideaux ornent les fenêtres. 3.800 personnes travaillent dans la zone : pompiers, ingénieurs, médecins, qui passent deux semaines ici, puis deux semaines à l’extérieur, pour « se nettoyer ». Sans compter les 4.000 ouvriers qui officient directement sur la centrale. « D’anciens habitants évacués sont aussi revenus illégalement dans la zone, et se sont réinstallés dans leurs maisons. » Un petit boîtier jaune à la main, le guide annonce le taux de radioactivité : « 20 micro-roentgen à l’heure, ici vous n’avez rien à craindre. » S’ensuivent pourtant toute une série de mesures de sécurité ; éviter de marcher dans l’herbe, porter des pantalons longs et des chaussures fermées. Je m’étonne : « Pourquoi toutes ces précautions si ce n’est pas dangereux ? » « A Tchernobyl, il y a des pourquoi qui se posent à chaque pas, avoue Maxim. Mais pas de réponse. Il faut faire avec. » En effet, quelques mètres plus loin, le compteur s’affole bruyamment, affichant 800 micro-roentgen, soit plusieurs dizaines de fois la dose tolérée. Nous sommes à proximité des tanks qui ont servi à la liquidation du site. « C’est la quête du bip-bip », remarque un touriste goguenard.
La ville fantôme a été vandalisée
Après une heure, le réacteur numéro 4 apparaît enfin, recouvert de son sarcophage blanc et de sa
cheminée rayée. Nous prenons ces photos vues mille fois, en voyeurs consentants, un peu excités de se retrouver au pied du monstre. « C’est quand même fou de se dire que l’on est à 200 mètres de l’une des plus grosses catastrophes de l’humanité. » Il ne faut pas s’attarder, le secteur est étroitement surveillé et hautement radioactif.Notre groupe s’enfonce, quelques km plus loin, dans la ville qui abritait autrefois les familles des ouvriers. 36 heures après le drame, les 52.000 habitants de Pripiat ont été évacués, emportant avec eux les seuls vêtements qu’ils avaient sur le dos.
La cité soviétique idéale des années 70 est désormais envahie par les arbres et les ronces. « C’est ça qui me choque, s’exclame mon voisin. Je pensais voir un paysage lunaire et là, on est en pleine forêt. » Si les façades, ornées de nombreux insignes à la gloire du communisme, ont été épargnées, les intérieurs sont dévastés, cibles de pillages consciencieux. Là aussi, les images collent à la rétine : les livres de l’ancienne bibliothèque dispersés sur le sol, la piscine vide, cette contrebasse éventrée et ce piano solitaire, dans le salon d’un appartement. L’école est placardée de portraits de Lénine : « Cela me marque plus que de voir la centrale, on dirait que l’on visite un écomusée de l’Union soviétique. » Nous sortons de la zone, après être passés dans d’antiques machines censées détecter la radiation. Le voyant, bien sûr, est au vert. Il est 17 h, les étrangers doivent vider les lieux.