GOANEC, Mathilde
Vendredi 6 août 2010
Ukraine Mobilisation après l’interpellation d’un internaute
L’affaire commence la semaine dernière avec l’arrestation d’Oleg Shinkarenko. Ce blogueur assez insignifiant officie sur la plateforme très populaire LifeJournal, où il traite d’art et de poésie, se piquant parfois de politique. Bien mal lui en a pris. Les services de sécurité ukrainiens (SBU) l’ont convoqué la semaine dernière et interrogé, l’accusant d’avoir « menacé le président » sur son blog. Serait en cause une phrase – « tuer le reptile » –, qui figure sous une vidéo de Viktor Ianoukovitch parlant à son Premier ministre. Le jeune homme, comparant son blog à sa « cuisine », soit un espace privé, s’est expliqué ainsi à la BBC ukrainienne : « Je ne pensais pas ce que j’écrivais, que Dieu donne la santé et une longue vie à notre président ! Seul un de mes textes sur ce blog a été fait dans l’émotion et dans un état de fureur, ce qui peut arriver à n’importe qui ».
Comme sanction, outre la suppression des pages incriminées, le blogueur a dû écrire une lettre où il s’engage à ne plus critiquer le pouvoir sur internet, ce qui a provoqué une vraie levée de boucliers sur la toile ukrainienne. Laquelle s’est lancée derechef dans une vaste action médiatique intitulée : « Moi aussi je veux être interrogé par le SBU », d’où cette éclosion de menaces factices à l’encontre de Ianoukovitch, destinées à démontrer l’absurdité de la procédure.
Alors même que Reporters sans frontières a récemment alerté sur les nombreux cas de censure dans les médias, l’affaire ne passe pas inaperçue en Ukraine. Et les défenseurs de la liberté d’expression s’insurgent contre cette nouvelle forme, selon eux, de censure sur internet, là où se joue l’essentiel du débat démocratique en Ukraine. « Tout ceci est perçu comme un signe extrêmement négatif, estime Natalia Goumeniouk, journaliste et membre du mouvement « Stop censure », créé il y a quelques mois. C’est aussi un moyen de dire à celui qui n’est pas réellement politiquement actif de réfléchir à deux fois s’il veut écrire quoi que ce soit de critique ». De son côté, Iryna Slavinska, blogueuse assidue, ne pense pas que le SBU souhaite sérieusement contrôler les blogs : « Essayer de nous faire peur ? Peut-être, mais vu le style des blogueurs ukrainiens, qui ont une vision très ironique du pouvoir, tout ceci se transformera en une farce, je suppose. Et je l’espère ».
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