Corollaire de la campagne présidentielle, la corruption médiatique a pris de l'ampleur ces derniers mois en Ukraine. La pratique des « djinsa », ces articles ou passages à la télévision payés par les hommes politiques, s'intensifie à l'approche du second tour. L'ONG Internews-Ukraine, a donc décidé d'alerter directement les journalistes, par le bais d'une campagne au slogan explicite. « Journaliste, ne deviens pas l'esclave des politiques », clament de grandes affiches dans les rues de Kiev et des principales villes du pays. Bannières internet et messages radio rappellent également aux journalistes leur « dignité » et leur « responsabilité ».
Le procédé est simple : patrons de presse ou rédacteurs en chef se mettent d'accord avec un candidat ou une formation politique pour publier un article élogieux ou inviter le dit candidat dans une émission de télévision, moyennant finances. « Avant le premier tour par exemple, des journaux de régions différentes publiaient sous différentes signatures le même article sur tel ou tel candidat, explique Volodymyr Yermolenko, l'un des responsables d'Internews. Bien sûr, c'était des djinsa ». Andriy Kulakov, responsable du programme « Dignité journalistique », pointe les dangers d'un tel système: « Pour moi, le journalisme n'est pas juste un travail. Un journaliste, c'est un créateur de réalité, et ce qu'il dit à un impact sur la société et la politique. »
Les deux présidentiables, Viktor Ianoukovitch et Ioulia Timochenko, régulièrement critiqués pour leurs entraves à la presse, ne sont pas en reste pour payer les médias en sous-main. Déjà, à l'annonce des résultats du premier tour à la mi-janvier, Heidi Tagliavini, chef de la mission d'observation de l'OSCE, avait critiqué une presse ukrainienne sous influence: « Le fait que plusieurs candidats aient eu accès à l'information parce qu'ils payaient a créé évidement une situation défavorable pour les autres. Onze candidats ont eu moins de 1 % d'accès aux médias, ce qui est un signe clair que ce n'est pas très équilibré ». Volodymyr Yermolenko met lui aussi en garde les politiques : « Ce qu'ils ne comprennent pas, c'est que les citoyens sont désormais adultes et sont immunisés contre ces pratiques ». Les électeurs ukrainiens ont en effet appris depuis longtemps à lire entre les lignes.
Sur le même sujet, le reportage de Camille sur RFI en 2008.
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