Prestation de serment sur la Constitution et la Bible, prise de commandement des Forces armées , discours devant les délégations étrangères... Viktor Ianoukovitch devrait savourer sa journée d'investiture, ce jeudi. Quelques instants de répit protocolaire pour le vainqueur de l'élection présidentielle ukrainienne, avant d'affronter une situation politique beaucoup moins réjouissante.
Ioulia fait de la résistance
Avant toute chose, le nouveau président devra composer avec Ioulia Timochenko, sa rivale du second tour et Premier ministre: à la surprise générale, cette dernière a retiré dimanche sa plainte auprès de la Cour suprême administrative, devant laquelle elle dénonçait des fraudes électorales massives lors du deuxième tour. Abattue, pour autant, la tenace Ioulia Timochenko ? Reconnaissant que les « élections sont terminées », la dame est remontée à l'assaut lundi soir. « Comme des millions d'Ukrainiens, je déclare que Viktor Ianoukovitch n'est pas mon président », a asséné la candidate malheureuse à la télévision, fustigeant au passage le Président et ses liens étroits avec l'oligarchie ukrainienne, un des points faibles de Ianoukovitch dans l'opinion : « Nous avions pour la première fois une chance de mettre fin aux règles imposées par l'oligarchie et de redonner au pays la santé qu'il mérite. Mais ces gens-là ne nous ont pas laissé faire, ils ne vivent pas en Ukraine, ils ne font que l'exploiter. » Ioulia Timochenko a également rappelé qu'elle comptait bien rester à la tête du Gouvernement, et jouer activement son nouveau rôle d'opposante. Elle sait que le camp Ianoukovitch n'a pas, pour le moment, de majorité formelle au Parlement lui permettant de se débarrasser d'elle. Le pays pourrait donc connaître de long mois d'instabilité politique et économique. L'Ukraine aurait dû voter son budget fin 2009 et se retrouve aujourd'hui encore sans feuille de route pour l'année en cours. L'adoption du budget de l'État est également l'une des conditions sine qua none au versement de la dernière tranche du crédit accordé par Fond monétaire international, suspendue avant la présidentielle.
Querelles de chapelles
Pour l'heure, donc, Viktor Ianoukovitch profite enfin d'une investiture qui lui était passée sous le nez en 2004. Pour l'adouber, 11 chefs d'États, plus de 15 ministres des affaires étrangères, et quatre présidents de Parlement ont annoncé leur venue. Catherine Ashton, chef de la diplomatie européenne, sera elle-aussi présente aujourd'hui à Kiev, après un rapide passage à Moscou. Du côté des invités russes, pas de Poutine ni de Medvedev, mais le président du Parlement Russe, et surtout le Patriarche Kirill, chef de l'église orthodoxe de Moscou, réputé très proche du Kremlin. Sa venue et la place que Ianoukovitch lui accorde dans les cérémonies officielles ont provoqué un tollé dans la presse ukrainienne: l'Ukraine orthodoxe reste en effet profondément divisée entre le patriarcat de Kiev, défenseur d'une spécificité culturelle, linguistique et religieuse ukrainienne, et le patriarcat de Moscou, qui poursuit inlassablement ses objectifs de reconquête religieuse de la « Grande Russie ». Le président doit donc, encore une fois, répondre aux accusations de ceux qui le disent déjà soumis aux intérêts de la Russie, des critiques attisées par ses récentes déclarations concernant une possible entrée de la compagnie gazière russe Gazprom dans le réseau de gazoducs ukrainiens, et sur le maintien de la base militaire russe en terre ukrainienne, dans le port de Sébastopol. Afin de désamorcer la bombe, Viktor Ianoukovitch a donc symboliquement réservé sa première visite officielle à l'étranger à... l'Union européenne: il est attendu à Bruxelles lundi.
Mathilde Goanec.
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