"Tatiana, mère porteuse, j eune, en bonne santé, groupe sanguin A +, ayant déjà eu un enfant et désireuse d’aider une famille." Une description lapidaire pour un ventre à louer… Les annonces de ce type pullulent sur les sites Internet et forums ukrainiens, accompagnées de tarifs, en dollars ou en euros. Alors que dans la plupart des pays européens, la gestation pour autrui est interdite, qu’en France, sa légalisation est un sujet de débat réanimé par la prochaine révision de la loi de bioéthique, en Ukraine, l’affaire est réglée : être mère porteuse, c’est légal. Et les candidates sont nombreuses, alléchées par de conséquentes promesses de rétribution, alors que le salaire moyen ukrainien avoisine les 170 euros. Ici, tout se vend, ovules, sperme et ventres, grâce à un cadre légal très permissif conçu pour remédier à une démographie en berne depuis la chute de l’URSS. Surfant sur le désir d’enfant, les cliniques spécialisées dans la médecine de la reproduction appâtent le cl ient bien au-delà des f rontières de l’Ukraine. Ainsi, à la mi-juin, le Conseil de l’ordre des médecins français a mis en garde les praticiens hexagonaux contre le «racolage» opéré par certaines officines basées en Ukraine (mais aussi en Espagne ou en Grèce) qui proposent aux médecins de leur envoyer des patientes avec à la clé une «promesse de rétrocommission pour chaque patiente adressée». Des agences se chargent ensuite de trouver la femme qui fera couveuse pendant neuf mois. Valentina, blonde kiévienne de 34 ans, est une perle rare. Mère de trois enfants, elle a déjà porté trois fois les enfants des autres. Autant de grossesses à répétition qui ont marqué son corps, prématurément vieilli. Elle nous donne rendez-vous devant la clinique reproductive publique de la capitale. Une infirmière sort de l’établissement, inquiète de voir des étrangers dans la cour. Valentina, en habituée des lieux, la rassure d’un geste et dévide le fil de son histoire. «La première fois, j’avais 27 ans, et c’était pour des parents ukrainiens, ils ont eu une petite fille. Puis j’ai accouché de jumeaux pour des Allemands. Puis encore des jumeaux, pour un couple ukrainien, mais j’ai perdu les bébés à la 17e semaine.» Elle a oublié les photos des jumeaux allemands mais exhibe fièrement celle de son premier bébé comme mère porteuse, une blondinette aux yeux bleus. Forte de cette ancienneté dans la profession, Valentina demande 10 600 euros par enfant, plus 400 euros par mois de grossesse, sans compter la prise en charge des frais médicaux. Une manne : «Mon mari et moi, nous sommes orphelins et on ne peut compter que sur nous-mêmes. Tous les deux, on travaille dans le bâtiment. Comment faire, avec notre salaire, pour louer un appartement et payer les études de nos enfants ?» Autour du ventre de la mère porteuse, un réseau d’intermédiaires tire profit de ce business. La Vita Felice, pompeusement baptisée Centre international de la gestation pour autrui, est un acteur incontournable dans le paysage ukrainien de la procréation assistée. Le centre propose des formules tout compris pour les étrangers, tournant autour de 40 000 à 50 000 euros, incluant la recherche de la mère porteuse, l’implantation de l’embryon, la location d’un appartement à Kiev les semaines précédant la naissance… Tous les soins sont à la charge des parents ainsi que l’hospitalisation au moment de l’accouchement. Cette agence travaille main dans la main avec des cliniques privées haut de gamme, accueillant généralement l’élite économique et politique du pays, celle qui fuit comme la peste les hôpitaux publics.
Professionnelles de la gestation pour autrui
Viktor Kouzin est le propriétaire de la clinique Iz ida, installée en banlieue de Kiev et spécialisée dans la fécondation in vitro. Il passe ses vacances à Monaco et ne cache pas ses ambitions internationales : «Nous accueillons 25 000 couples par an. Nombre de nos clients viennent d’Israël, d’Angleterre, des Etats-Unis, d’Italie… Pas encore beaucoup de France, mais ça va venir. Le plus souvent, c’est pour trouver des ovocytes, mais nous avons aussi une vingtaine de gestations pour autrui chaque année.» Des Ukrainiens fortunés, dans un pays où plus d’un tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté. Viktor Kouzin s’inquiète-t-il des risques liés à ce commerce du corps ? «En Ukraine, il y a plus de possibilités qu’ailleurs pour l’exploitation, admet-il. C’est également le cas quand un homme a un travail physiquement pénible. La femme qui porte l’enfant d’une autre reçoit une compensation conséquente pour ça. Oui, elle vend son corps. Mais pas dans un bordel, pour aider des gens à construire une famille.» En vraie professionnelle de la gestation pour autrui, Valentina s’amuse, elle aussi, de nos réserves éthiques sur la question. «J’ai eu trois enfants à moi. Avec les autres, je n’ai jamais ressenti de lien maternel, affirme-t-elle. Pour moi, le vrai lien se construit le jour de la naissance, quand tu tiens ton enfant dans tes bras, que tu le berces, que tu te lèves la nuit… C’est à ce moment-là qu’on devient une maman, pas avant.» Forte et déterminée, la jeune femme sait pourtant que beaucoup craquent, après quelques mois de grossesse, à la perspective de se séparer de l’enfant. Natalia vit à Odessa. Elle a posté une annonce début janvier sur un site de mères porteuses très consulté en Russie et en Ukraine. «Je suis seule pour élever mon enfant et je voulais gagner un peu d’argent, se justifie la jeune femme. Et puis j’ai reculé, j’avais trop peur du moment où il faudrait le rendre.» Car dès la signature du contrat devant notaire en début de grossesse, la mère porteuse abandonne tous ses droits sur le bébé. Elle n’apparaît pas sur le certificat de naissance et la plupart du temps accouche sous anesthésie et par césarienne, parfois s a ns même voi r l’enfant qu’elle a porté neuf mois. « Certaines filles deviennent folles, concède Valentina. J’ai une amie qui a disparu pendant deux mois au début de la grossesse. Elle ne voulait pas rendre le bébé. Quand elle est revenue, les parents ne voulaient plus d’elle, et les médecins l’ont fait avorter.» Selon des chiffres relayés par la presse ukrainienne, une centaine de naissances par an auraient lieu par mère porteuse, et plus de la moitié des parents biologiques seraient des étrangers. C’est encore très peu, mais c’est trois fois plus qu’il y a cinq ans, date de la légalisation de la gestation pour autrui par le Parlement ukrainien. Les Américains et les Israéliens, pays où la pratique est pourtant légale, sont les plus nombreux à se presser en Ukraine, alléchés par des prix avantageux. Les clients européens hésitent encore à franchir le pas car ils risquent gros sur le plan juridique. La France, par exemple, ne reconnaît pas pour l’instant les enfants nés à l’étranger d’une mère porteuse. Le cabinet juridique Euroconsulting, associé au centre La Vita Felice, croyant parler à des parents français, nous a pourtant assuré que nous n’aurions «aucun problème pour enregistrer l’enfant à l’ambassade avec le document fourni par la clinique, puisque tout est légal en Ukraine». Sauf que ce document est un faux, puisqu’en droit français, seule la f emme ayant accouché est considérée comme la mère biologique. Un mensonge sur lequel les autorités ukrainiennes ferment les yeux. A l’ambassade de France à Kiev, où sont réalisés les actes de naissance pour les Français en Ukraine, on assure qu’il est quasiment impossible de berner les agents de l’état civil. «Si nous avons un doute, nous rencontrons les parents et l’enfant, et il est facile de voir si la mère vient d’ac- coucher.» Mais la situation est plus complexe quand les parents décident de faire un certificat de naissance ukrainien au-delà de trente jours après la naissance. Ce document, délivré par le ministère de la Justice ukrainien, fait alors foi, et devient difficile à contester.
Le risque d'enfants fantômes
La situation est tout aussi inextricable pour les autres ambassades européennes. «Nous ne reconnaissons pas les documents fournis par les autorités ukrainiennes, à la différence des autres pays européens, rappelle un diplomate allemand. Le tampon final, c’est nous qui le donnons. Donc on arrive peut-être plus facilement à repérer les fraudes. En général, quand des parents allemands viennent nous voir avec un acte de naissance ukrainien alors qu’ils ne sont pas résidents, c’est louche, car il est tout à fait improbable de vouloir accoucher ici.» Pour ces cas dits suspects, il n’y a pas de solution : ces enfants nés de mères porteuses ne sont alors reconnus ni par l’Ukraine ni par l’Allemagne. Là encore, la corruption et l’usage de faux papiers font souvent le reste. Les parents déboutés peuvent s’arranger pour faire passer illégalement la frontière à l’enfant et le faire enregistrer en Allemagne, en sautant la case ambassade et en comptant sur l’indulgence ou l’ignorance des agents de l’état civil. Parfois, la machine s’enraye, comme pour ce couple belge, pris en flagrant délit. «Ils sont venus me voir avec un certificat de naissance ukrainien qui assurait que la femme avait accouché ici alors que le couple n’était même pas encore sur le sol ukrainien, soupire Bernard Jacxsens, consul à Kiev. Ils avaient engagé une mère porteuse, mais le bébé est né prématurément… Nous avons émis un passeport d’urgence et le ministère des Affaires étrangères belge va devoir dire s’il accepte ou non d’enregistrer l’enfant.» Au-delà du r i s que de créer des enfants fantômes, les couples étrangers s’associent à une pratique qui n’est pas sans danger pour la mère porteuse, grande oubliée de la législation ukrainienne. Mettre un enfant au monde n’a rien d’anodin, surtout en Ukraine. Valentina, elle, s’en moque. A peine remise de la troisième, elle veut tenter une quatrième grossesse. «L’âge limite, c’est 36 ans. Mais si j’ai encore la santé, je veux le faire jusqu’à ce que ce ne soit plus possible. Je ne peux pas aider l’humanité avec ma tête, alors je le fais avec mon corps.» Valentina a l’embarras du choix, près d’une cinquantaine de couples lui ont d’ores et déjà fait une offre.
Mathilde Goanec, dessins Anne-Lise Boutin
C'est un reportage à charge qui ne s'intéresse qu'au sensationnel. Pas une seule phrase des relations entre les couples infertiles et la mère porteuse.
Et des affirmations totalement fausses : un état civil, c'est à dire un certificat de naissance ne dit pas que la mère a accouché, il désigne seulement les parents et rien d'autre. Ainsi, les certificats de naissances émis par les autorités ukrainiennes ne sont donc pas des faux car ils sont tout simplement conformes à la loi du pays qui définit la filiation dans le cas de gestation pour autrui.
Rédigé par : Roger | vendredi 11 sep 2009 à 16h44