La dissolution du parlement ukrainien, annoncée le 8 octobre par le président Iouchtchenko, est aujourd'hui sérieusement remise en cause. La première ministre Ioulia Timochenko, farouchement opposée à la tenue d'élections législatives anticipées, s'est en effet lancée dans une bataille sur tous les fronts pour retarder au maximum le scrutin. Première contre-attaque, le blocage du parlement. La technique est désormais rodée, les députés du Biout, le Bloc Timochenko, l'ont déjà expérimentée à plusieurs reprises l'hiver dernier. Cette fois-ci, dès l'annonce de la dissolution par le président, les députés ont occupé la tribune du parlement pour empêcher que ne soient votés les crédits nécessaires à l'organisation du scrutin.
Coûteuses élections Qu'à cela ne tienne: Viktor Iouchtchenko, du haut de son autorité présidentielle, sommait lundi sa première ministre de puiser l'argent dans les fonds de réserve du gouvernement. Refus clair de l'intéressée, qui dénonce «l'indécence» de ces coûteuses élections anticipées, alors que l'Ukraine s'enfonce dans la récession économique. La métallurgie, un secteur qui pèse lourd dans les exportations, est sinistrée depuis la chute des cours mondiaux du métal. La grivnia, la monnaie ukrainienne, s'est effondrée et plusieurs banques du pays sont au bord de la faillite. Panique chez les épargnants, qui ont retiré depuis le début du mois près de 1 milliard d'euros de leurs comptes, précipitant une véritable crise des liquidités. «Pas question de débourser un demi-milliard de grivnias pour financer les caprices de certains», déclarait mardi Ioulia Timochenko.
Enfin, la bataille politique s'est déplacée vers le terrain judiciaire: la première ministre a déposé en fin de semaine dernière une plainte devant la Cour administrative de Kiev. Selon elle, le délai d'un an depuis les dernières élections législatives, imposé par la Constitution ukrainienne, n'a pas été respecté. Samedi, malgré des pressions appuyées de la part du président et le limogeage d'un juge, la Cour administrative a donné raison à Ioulia Timochenko en suspendant le décret de dissolution. Le secrétariat présidentiel a aussitôt remis en cause ce jugement et porté l'affaire devant une Cour d'appel. Viktor Iouchtchenko, lui, s'est fendu lundi d'un oukaze, un décret liquidant purement et simplement la Cour qui avait suspendu la dissolution.
D'un côté comme de l'autre, la pression ne faiblit pas. Les juges de la Cour d'appel sont littéralement pris dans un étau, entre les députés du Biout qui occupent les locaux de la juridiction, et les forces spéciales du SBU (l'héritier ukrainien du KGB), dépêchées sur place par le président. Même situation à la Commission électorale, chargée par le chef de l'Etat d'engager le processus des législatives anticipées. Des échauffourées ont éclaté entre les partisans de Ioulia Timochenko et les forces spéciales, chargées de «protéger» les membres de la Commission.
Justice sous influence; Commission électorale prise d'assaut; crise économique instrumentalisée: ce début de campagne s'annonce corsé. Au grand dam des Ukrainiens, conviés pour la troisième fois aux urnes en trois ans, et qui ne s'amusent plus guère de la mascarade démocratique à laquelle se livrent leurs dirigeants. |
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