Les terres agricoles ukrainiennes, jusqu'ici propriété des anciens kolkhoziens, devraient passer prochainement dans le domaine privé.
Le moratoire qui interdisait jusqu’ici la vente des terrains agricoles en Ukraine est arrivé à son terme fin 2007. Le gouvernement ukrainien doit donc décider à qui appartiendront désormais les fameuses « terres noires » ukrainiennes. Si tout le monde s’accorde sur le caractère obsolète du système foncier actuel, nombre d’observateurs craignent une privatisation rapide et bâclée qui serait catastrophique pour la société paysanne.
Une tactique contestée
Michel Terestchenko est un consultant français basé en Ukraine depuis 5 ans: « Ce pays a encore la chance d’avoir une grande partie de sa population qui vit à la campagne, il ne faut pas forcer ces gens à un exode massif vers les villes. Car tous ces petits propriétaires vont vouloir vendre, même à bas prix». La société française Agrofuel a investi en Ukraine pour sécuriser sa filière d'approvisionnement en matières premières : « C’est justement à cause de ce système strictement locatif que nous avons choisi ce pays, reconnaît son directeur Charles Vilgrain. Pour une jeune société comme nous, acheter des dizaines de milliers d’hectares était tout simplement impossible ». L'entrepreneur dit craindre la privatisation programmée: « Les agriculteurs ukrainiens ne seront pas en mesure d’acheter cette terre. Elle reviendrait donc à des oligarques locaux bien établis, ou à de très grands propriétaires fonciers des pays développés ».
Pour Jean-Jacques Hervé, conseiller français à l’agriculture auprès du gouvernement ukrainien, il y aurait « un risque politique majeur à laisser la terre aux non-Ukrainiens ». Mais des solutions de contournements existent, tel le recours à des fonds d’investissements locaux. Mais comme la majorité des acteurs français sur place, le conseiller est formel: « Dans une économie très spéculative, la vente n’est pas forcément la meilleure tactique… Il faut s’inspirer des modèles européens, pour moderniser l’agriculture ukrainienne et participer ainsi à l’autosuffisance alimentaire de l’Europe ». L’enjeu est énorme, car l’Ukraine représente à elle seule 27 % des terres labourées d’Europe.
Mathilde Goanec
Commentaires