Les habitants de Kiev éliront leur nouveau maire le 25 mai prochain. Une élection anticipée provoquée par la destitution de Léonid Tchernovetsky, milliardaire excentrique soupçonné de corruption. Derrière son éviction, on retrouve l’empreinte du Premier ministre Ioulia Timochenko, qui cherche à reprendre le contrôle des principales villes du pays à un an des élections présidentielles.
De notre correspondant à Kiev, Camille Magnard
http://www.rfi.fr/actufr/articles/099/article_64175.asp
Elle a lancé une opportune « opération mairies propres ». Pour avoir la tête du maire de Kiev, le Premier ministre ukrainien Ioulia Timochenko a revêtu l’un de ses costumes préférés du moment : celui de pourfendeuse déterminée de la corruption. Et Léonid Tchernovetsky avait tout pour devenir la bête noire de Timochenko : milliardaire dont la fortune remonte aux années opaques de la Perestroïka, archétype de l’oligarque au train de vie ostentatoire, provocateur et redresseur de torts, le maire sortant a été élu en 2006, sans avoir le soutien ni des « oranges », le parti de Ioulia ou celui du président Viktor Iouchtchenko, ni des « bleus », le parti pro-russe des régions.
Farouchement indépendant, Tchernovetsky a pourtant toujours su compter sur des amitiés éclectiques dans le milieu politique ukrainien, des soutiens qu’il aurait entretenus en distribuant judicieusement les biens fonciers de la ville. Et c’est cette indépendance, tout autant que ses indélicatesses financières, qui lui aura sans doute valu les foudres de Ioulia Timochenko.
Car la blonde chef du gouvernement voulait depuis longtemps la tête du maire sortant. Déjà, l’organisation d’élections anticipées à Kiev figurait parmi ses promesses de campagne, lors des législatives de l’automne 2007 qui l’ont ramenée au pouvoir. Elle n’aura pas attendu longtemps pour mettre son plan à exécution : dès le 12 mars, Ioulia Timochenko saisit la Verkhovna Rada, le Parlement ukrainien, d’une demande d’enquête parlementaire sur des soupçons de détournement de fonds et de violations de la Constitution commis par le conseil municipal de Kiev.
Chasse aux sorcières
Dès lors, la chasse aux sorcières est lancée, menée avec une détermination troublante par le Premier ministre. Sans attendre les conclusions de la commission d’enquête, elle affirme devant les journalistes que « dire qu’il n’y a pas de corruption dans l’équipe de Tchernovetsky, c’est comme prétendre qu’il n’y avait pas de sexe sous l’Union soviétique ».
En aparté, certains observateurs de la politique ukrainienne se permettent de douter de la sincérité de cette démarche et prêtent des arrières pensées électoralistes à l’ancienne « princesse du gaz » elle-même mêlée, dans les années 90, à plusieurs scandales de corruption, et qui s’est « refait une virginité » fin 2004 en devenant l’égérie de la Révolution orange.
A l’horizon 2009, se profilent les prochaines élections présidentielles, une échéance qui cristallise déjà les tensions entre les principaux leaders du pays, notamment entre Ioulia Timochenko et le président Viktor Iouchtchenko. En évinçant Tchernovetsky d’un poste aussi influent et stratégique, le Premier ministre libère la place et se bat maintenant becs et ongles pour faire élire à sa place l’un de ses fidèles lieutenants.
Mais la concurrence sera rude : parmi les possibles candidats en vue figurent un ancien champion du monde de boxe, Vitaliy Klichko, l’actuel ministre de l’Intérieur Iouri Loutsenko et nul autre que… le maire sortant et sorti, Léonid Tchernovetsky. Le vieux lion de Kiev a, dès l’annonce de la tenue de nouvelles élections, fait part de son intention de se succéder à lui-même. Et plusieurs politologues lui prêtent de bonnes chances de créer la surprise « au nez et à la tresse » de Ioulia.
Grandes manœuvres
En attendant le dénouement de ce scrutin, les grandes manœuvres politiques en vue des présidentielles de 2009 se suivent et se ressemblent, cette fois à Kharkiv, la deuxième ville du pays. Là, le maire Mykhaïlo Dovkine et son équipe sont mis en cause dans une affaire de détournement de fonds publics, après une perquisition surprise des services de sécurité ukrainiens dans les locaux de l’Hôtel de ville.
Cette deuxième affaire au timing étonnamment identique à celle de Kiev laisse entendre que le grand ménage n’en restera pas là. Les (nombreux) ennemis personnels que compte l’ambitieuse Ioulia Timochenko dans le paysage politique ukrainien n’ont qu’à bien se tenir
Commentaires