Sur la route avec nous

« La terre tremble, et tu t’essuies la bouche » (H-F. Thiéfaine, rien à voir)

Des questions sur le fameux tremblement de terre en Ouzbékistan, ressenti le 8 janvier dernier, lors de notre voyage en Ouzbékistan … Certains de nos lecteurs se sont étonnés de ce séïsme, évalué entre 6 et 8 sur l’échelle de Richter, sans que l’on ne constate de dégâts massifs. L’épicentre se trouvait à Batken au Kirghizistan, près de la frontière ouzbèke, à une quarantaine de kilomètres de Kokand où nous nous trouvions à ce moment-là. Dans notre chambre d’hôtel, nous n’en avons ressenti qu’une secousse déjà atténuée.

Dans la région de Batken, le gouvernement a fait état de 3700 maisons endommagées, ainsi que 68 écoles et une trentaine de bâtiments administratifs ou hospitaliers eux aussi partiellement détruits. Pour autant, pas de mort ni de blessés… Assez peu de dégâts à priori si l’on compare en effet avec les derniers tremblements de terre dévastateurs d’Asie du Sud-Est. La « faiblesse » des dommages matériels lors de ce tremblement de terre s’explique par le fait qu’il y a peu d’infrastructures à Batken, d’immeubles, de ponts… Seulement des habitations sommaires en bois ou en briques de terre séchée, sans étage. La région de Batken, la corne sud-ouest du Kirghizistan, est l’une des plus pauvres, et des moins peuplées du pays. D’où l’absence de dégâts humains, en comparaison là encore avec l’Indonésie par exemple.

Enfin, l’information circule mal dans cette partie du pays, en raison de son enclavement, coincée entre Ousbékistan et Tadjikistan. Les conséquences de ce tremblement de terre sont longtemps restées floues, et peut-être les dégâts ont-ils été mal ou sous-évalués. Des programmes humanitaires d’aide aux victimes ont été mis en place tardivement par le gouvernement, les Etats-Unis et la Russie ont débloqué près de 200 000 dollars pour subvenir aux premiers besoins : une réponse qui semble a la mesure du séïsme, notable

mais loin d’être d’une ampleur humaine exceptionnelle.

En Asie centrale, la terre tremble, et de plus en plus : depuis notre arrivée, pas moins de quatre séïsmes supérieurs à un niveau 4 sur l’échelle de Richter ont été comptabilisés, et ressentis à Bishkek. Deux seulement ont causé des dégâts, mais cette multiplication des épisodes sismiques dans la région inquiète scientifiques, populations et autorités… Plus de précisions sur cette question dans nos prochains travaux…

Mathilde et Camille.

05 avril 2007 dans Carnet de bord | Lien permanent | Commentaires (1)

Hécatombe de moutons dans la vallée d’Ak Say… EPISODE 3

Ayant perdu la trace du loup, nous reprenons celle du « vieux », l’aksakal de la vallée. Nous le découvrons au bout du bout, après avoir croisé deux jeunes bergers à moutons qui nous indiquent le chemin. Kakiling, 11 fils et filles, 31 petits enfants, nous reçoit avec chaleur, comme les autres. Frère d’un dissident ayant fui vers la Chine, il vit depuis 1960 dans la  vallée.Aksakal_paint Il a connu l’ère soviétique, l’effondrement de l’URSS et l’entrée en scène d’un pouvoir kirghize indépendant. La vallée, il l’a connu surpeuplée et se souvient de la fuite des élèveurs au début des années 90. « Nous sommes restés, mon voisin et moi. Au village, on disait que nous avions été mangés par les loups », se souvient Kakilim. Sont restés autour de lui sa femme et quelques fils et belles-filles. La vieille dame aime à se rappeler les 29 enfants qu’elle a aidé à accoucher, pour cause d’hôpital trop éloigné. Les deux vieux n’ont que de bons souvenirs de l’époque soviétique, mais assurent avoir toujours une « belle vie ». Nous trinquons donc au Koumis, le fameux lait de jument fermenté, le premier depuis notre arrivée. « Il est meilleur en été » : nous promettons de revenir.

Retour chez Tourganali, où, pris en affection par nos hôtes, nous sommes initiés aux gestes quotidiens des bergers : rassemblement du troupeau de yacks, préparation du repas, le tout nous amenant encore tard dans la nuit. Les enfants dorment déjà sous les pelisses. Tourganali nous raconte la vie sous la yourte durant l’été, lorsque les bergers abandonnent maisons et hivernages pour s’installer plus bas dans la vallée, ou l’herbe nouvelle est prête à être brouttée.

Paysage_centre_paintLe lendemain, nous attendons. En prévision du marché aux bestiaux d’At Bashy, un camion est venu charger une vingtaine de moutons. Nous devons attendre qu’il aille chercher sa précieuse cargaison dans une bergerie voisine pour redescendre dans son sillage, la route étant enneigée. La journée s’étire, en compagnie des femmes, dont les langues doucement se délient. Les histoires d’amour chantées la veille autour du repas prennent une autre teinte au gré des confidences… Kiris, la jeune et jolie femme de Lakhat, a été enlevée il y 6 ans, selon une tradition kirghize encore tenace. En vacances chez sa tante dans la vallée d’Ak Say, elle n’en est plus jamais repartie. Elle rit et danse, avoue avoir « eu un peu peur » lors de son mariage forcé, sous la yourte, mais assure qu’elle est heureuse à présent.

Les hommes réaparaissent, nous avalons un dernier mouton, le troisième en trois jours, et repartons. Finalement, les passagers du camion s’arrêteront au passage du premier poste de contrôle, invités par les soldats à boire quelques verres. Nous repartons seuls. A peine le col franchi, un peu après minuit, nous voyons surgir dans la nuit un jeune garçon suivi d’un homme en uniforme militaire. Leur voiture est bloquée dans la neige 200 mètres plus bas. Le frère du conduteur est malade, les frais d’hospitalisation coûtent cher, et l’homme va chercher un de ses yack à Ak Say pour le vendre au marché du lendemain matin. Nous l’aidons à denneiger et poussons la voiture une fois, deux fois, dix fois, en vain. Son 4x4 Lada « Niva » ne passe pas. Les hommes de notre équipage le conjurent de faire demi-tour, d’essayer un autre chemin, rien n’y fait. Il veut passer, et par cette route, car il est pressé.  La neige continue de tomber, il nous faut repartir. Nous le laissons là, un peu retournés par cette rencontre.

Arrivée à At Bashy au milieu de la nuit. Après 5 heures de sommeil, nous regardons le soleil se lever sur les montagnes, vues d’en bas…

Camille et Mathilde

22 mars 2007 dans Carnet de bord | Lien permanent | Commentaires (4)

Hécatombe de moutons dans la vallée d’Ak Say… EPISODE #2

Maison_mouton_paintRetour dans la bergerie, l’ambiance s’échauffe. Le Beshbarmak est l’occasion de toute une série de rituels, qui rappelle les hiérarchies kirghizes. Toutes les parties du mouton tué le matin même sont cuites dans un grand chaudron et la distribution des morceaux est un art ; les plus belles pièces sont offertes aux invités et aux plus âgés, avec une préférence pour les femmes. Les jeunes s’occupent de dépiauter la viande, que nous mangerons ensuite avec des pâtes cuites dans le bouillon.

Son morceau devant soi, pas question de l’avaler en entier. Il faut en grignoter un bout, puis redistribuer à son tour. Le reste sera placé dans un sac avec des borsoks, et l’invité repartira avec. Tout se mange avec les cinq doigts, ce qui est la traduction littérale de « besh barmak ». Interdiction de poser un bout d’orteil sur la nappe posée à nos pieds, impossible de prendre l’assiette que l'on nous tend, difficile de refuser le bouillon garni de bouts de gras ou d’intestin... Nous rentrons dormir chez Aïbek, le cœur chaud et le ventre plein. Chaque jour, nous ferons ainsi honneur à un nouveau mouton, sacrifié en l’honneur des invités venus de si loin.

Le lendemain, nous nous enfonçons un peu plus dans la vallée d’Ak Say. En fait de vallée, c’est plutôt une steppe immense, parsemée de vallons, de canyons rouges, de sommets. Nous déboulons sur les pistes, remerciant chaque jour Oké pour ses talents de pilote. Pas une ombre de vie sur des kilomètres, les bergers sont éparpillés dans cette immensité, avec comme seules limites celles des hivernages et des pâturages d’été. La maison de Tourganali, au cœur d’un ancien kolkhoze dont il ne reste qu'un enclos en béton et quelques bâtiments délabrés, s’appuie sur une falaise et fait face à une étendue d’eau glacée. Décor austère pour la centaine de yacks dont s’occupe Tourguenali. Ces grosses vaches à poils longs se régalent de l’herbe « qualité supérieure » d’Ak Say. Véritables bêtes de montagnes : plus le climat est froid et plus les yacks sont  à l’aise. Le troupeau part paître dans les hauteurs, et nous quittons Tourganali à la recherche de l’ancêtre de la vallée, l’ « aksakal », qui en est à son 47ème hiver à Ak Say.

Troupeau_yacks_paintSoudain, à l’écart de la piste, un loup ! La voiture stoppe, les bergers descendent, ça tourne et ça crie… Le vieux prédateur a attaqué l’un des yacks de Tourganali. Le combat a lieu à quelques cent mètres de nous. Nous nous faisons débarquer sur la glace, la voiture repart dans l’autre sens, à la recherche d’un fusil. Il faut empêcher l’animal de s’en prendre au reste du troupeau. Le loup, apeuré, a lâché sa proie. Celle-ci se relève, sanguinolante, et repart doucement vers la bergerie. Nous resterons une demi-heure dans le froid à regarder les bergers devenus chasseurs pourchasser le loup dans les collines environnantes. Tourganali, à cheval, vieilles jumelles sur le nez, nous dépasse, me jette une pelisse contre le froid et repart, à brides rabattues, surveiller la course poursuite entre la voiture et le cheval. Peine perdue. Ils ne l’auront pas, mais l’histoire va nous accompagner jusqu’au retour à At-Bashy. C’est que le loup est l’ennemi numéro un des bergers kirghizes car il pulule et s’attaque sans vergogne aux troupeaux. Le gouvernement offre même une prime à qui tue un loup. Les bergers, hilares, nous écouteront raconter plus tard dans la soirée le plan mis en place pour protéger la trentaine de loups français.

Mathilde et Camille

20 mars 2007 dans Carnet de bord | Lien permanent | Commentaires (0)

Deux journalistes français en reportage : hécatombe de moutons dans la vallée d’Ak Say…

Cette note en plusieurs episodes pour patienter en attendant d'ecouter sur la Radio Suisse Romande, et peut-etre de lire, nos reportages sur la Vallee d'Ak Say.

Retour de cinq jours de reportage dans la vallée d’Ak Say, Chez_lakhat_femmes_paintà 11 heures de voiture de Bishkek, la capitale. Nous sommes accompagnés par Nourali, professeur de français à l’université nationale et enfant d’At Bashy, le plus proche village de la vallée. Oké sera, au volant d’une vieille jeep sovétique, notre chauffeur tout-terrain. Avec lui, nous franchissons le col enneigé qui nous sépare de la vallée, la plus froide et l’une des plus hautes du Kirghizistan. Bien sûr, on pousse, et passe le col à pied… Nous y attend le premier poste de contrôle, tenu par des militaires portant encore les insignes soviétiques sur leurs lourds manteaux de fourrure. « Gloire à nos valeureux soldats qui défendent les frontières sacrées du Kirghizistan », la formule est inscrite au fronton de la petite garnison. Car nous sommes ici à quelques kilomètres de la Chine, tapie de l’autre côté des dernières montagnes kirghizes. Après Ak Say, c’est le Xing-Tiang chinois. Installés ici du temps de l’Union soviétique pour contrôler le passage à ce confin de l’URSS, les soldats sont restés, défendant aujourd’hui un pays indépendant qui, ironie du sort, (sur)vit notamment grâce à l’afflux massif de produits chinois et qui a si peur d’être envahi par son géant de voisin. Munis de permis préalablement visés par le SNB, les services de renseignements kirghizes, nous passons les contrôles sans encombres.

La vallée est là, à perte de vue sur des dizaines de kilomètres. La voiture suit la ligne de poteaux électriques, qui venaient jusqu’ici alimenter les bergers travaillant pour l’Etat. Et au fond de la vallée s’étale l’ancien « centre culturel », qui comprenait à l’époque soviétique un hôpital, un magasin, un hôtel, une salle de cinéma et de concert, etc. Il fallait divertir, nourrir et soigner ces éleveurs, venus par milliers sous l’URSS travailler à Ak Sai. Véritable grenier à viande de l’Union, la vallée a nourri plusieurs millions de têtes de bétail, moutons, yaks, chevaux, répartis en 9 kolkhozes. Aujourd’hui, le centre n’abrite plus que 4 ou 5 familles, les bâtiments sont tombés en poussière, et il faut attendre la visite annuelle d’un médecin d’At Bashy pour espérer un soin.

Autour de ces rues aux allures de ville-fantôme, se côtoient deux familles d’anciens infirmiers, recyclés aujourd’hui en « chômeur-artisans», et deux éleveurs dont un tient le magasin, désormais réduit à sa portion congrue. Nous dormirons chez Aïbek, vague cousin de Nourali. Nous errons dans le village, visitant l’ancien hopital, où sont restés chaise d’accouchement, bureaux et tableaux de tours de garde. « J’ai accouché de mon dernier enfant à la maison et coupé seule le cordon », nous racontera une des anciennes infirmières. Téléphone, radio, plus rien ne marche, et At-Bashy est souvent trop loin. Pour descendre, il faut attendre qu’une voiture comme la notre passe par Ak Say…

Dans_lherbe_paint Nous nous enfonçons dans la vallée, à la recherche de la bergerie de Lakhat et de sa femme Kiris. Ils vivent entre quatre murs de terre séchée, avec leurs deux jeunes enfants et élèvent les juments d’un propriétaire vivant en bas. C’est presque toujours le cas pour les quelques 350 familles qui continuent de vivre dans la vallée. « Avant, on travaillait pour l’Etat, maintenant, nous sommes les esclaves des riches, ça ne change rien », résume un voisin. Dans la maison sont rassemblés une dizaine de couples, fêtant ce 8 mars, jour de la fête des femmes. Ici, on ne badine pas avec le calendrier. La nappe à même le sol est littéralement recouverte de borsoks, petits pains frits, qui servent à patienter avant le repas. Nous sommes époustouflés par l’accueil et Nourali, Kirghize pourtant rompu aux traditions nationales, n’en revient pas non plus. Quelques minutes après notre arrivée, on mange, on boit, on chante ensemble. Thé par litres, vodka bien sûr, mais aussi bozo, l’une des boissons nationales, à base de céréales fermentées. Les bergers sont semblent-ils touché de voir des étrangers monter en plein hiver, et si haut, à leur rencontre.

Tandis que le Beshbarmak, plat de mouton bouilli, achève sa cuisson sur le poêle chauffé à la bouse de yak séchée, Tourganali, le plus ancien de la bande, nous embarque à cheval. Nous chevauchons doucement sur la steppe, prenant le temps d’admirer le coucher de soleil sur la vallée. A cause de l’altitude, le mouton cuit ici en quatre heures, contre 2 à Bishkek. Au sommet d’un petit vallon, on observe la frontière chinoise, à 4 heures de cheval, et les bergers nous racontent leur belle époque, quand on se bousculait pour vivre à Ak Say…

Mathilde et Camille

16 mars 2007 dans Carnet de bord | Lien permanent | Commentaires (3)

Dans les coulisses de Miss Dounganskaia 2007

Img_0313 Les dounganes forment l'une des minorites les plus importantes du Kirghizistan. Certains de ces chinois musulmans ont quitte la Chine il y a 130 ans cette annee pour s'installer en Asie centrale. Depuis, ils tentent de faire survivre leur langue, leurs traditions lors de ceremonies familiales et communautaires. Fin fevrier a eu lieu l'election de Miss dounganskaia 2007: defiles de jeunes filles en costume traditionnels et modernes, epreuves de connaissance de la culture doungane, le tout entrecoupe de tours de chant et de danses... Invites par notre amie doungane Kahima, nous y etions. Cette fois-ci, c'est par le son que nous vous faisons partager ce moment.Img_0345

Téléchargement montage_miss_fini.mp3

Vous trouverez tout de meme quelques photos des miss (pas de maillots de bain, desole) dans le carnet en images #2

Mathilde et Camille

12 mars 2007 dans Carnet de bord | Lien permanent | Commentaires (1)

BDMT # 5 // « Mathilda, les races existent, c’est écrit dans mon livre »

Cours d’histoire en français, en école kirghize… Leçon du jour, la Shoah. La seconde guerre mondiale, vue du Kirghizistan, ne ressemble pas à celle que j’ai apprise à l’école. Les élèves, entre 15 et 16 ans, sont incapables de me donner une définition des chambres à gaz ou des fours crématoires, n’ont jamais entendu parler d’Auschwitz et assimilent les camps de concentration nazis aux goulags russes. J’explique donc la notion de « génocide », et évoque les critères raciaux dont s’est servi le régime nazi pour commettre l’extermination des peuples dits « inférieurs ». Une des élèves, toujours très vive et réactive, m’interrompt : « La race juive existe, en dehors de la religion. Il y a un type juif : les pieds, le nez, la taille…. ». Je persiste, arguant que le « type juif » n’existe pas et que c'est au nom de pareilles notions raciales qu’ont été commis massacres, esclavages et autres colonisations. Elle ne lâche pas et fait bientôt l’unanimité, appuyée par un professeur appelé par mes soins en renfort : dans les cours de biologie kirghizes, les élèves apprennent qu’il existe trois races, blanche, noire et jaune, et qu’il existe un type juif comme un type français ou africain. Le jour suivant, c’est livre à l’appui que l’élève m’achève, en me montrant une étude (française) de 1902 sur les différents types et nationalités. J’explique alors que le concept de race en France est considéré comme dépassé, car non scientifique, dangereux, discriminant et qu’il est inopérant aujourd’hui, dans des populations largement brassées. Impossible, nous ne nous rejoignons pas. Deux mentalités, deux façons de voir, je reste seule avec mon concept.

Plus tard, j’aurais un début d’explication : les manuels datant du début de l’époque soviétique sont toujours en vigueur au Kirghizistan, faute de moyens pour rééditer de nouveaux manuels. Les programmes n’ont donc pas changé. D’où mon effarement. Et une bonne remise en question sur l’universalité de nos valeurs…

Mathilde

01 mars 2007 dans Bishkek dans ma tete | Lien permanent | Commentaires (4)

Concert privé, Nourizat au Komouz

Img_0197 Le Komous (à ne pas confondre avec Koumis, le désormais célèbre lait de jument fermenté local) est un instrument assez rudimentaire, formé d’une caisse de résonnance en forme de longue poire et de trois cordes. Nourizat, 20 ans, est une vraie professionnelle et possède un komous en bois d’abricotier, pour un son plus chaud.

La jeune fille étudie au conservatoire de Bishkek, département traditionnel, et vit dans un foyer de musiciens. Discrète, timide, Nourizat joue pour nous, les yeux parfois fermés, le corps tendu, faisant valser son instrument devant elle, claquant des doigts ou frappant l’instrument du dos de sa main… une dextérité folle qui nous fait presque regretter la vidéo. Vous vous contenterez, nous l’espérons, de la mélodie et du bruit caractéristique des cordes…

Aujourd’hui, même si les jeunes sont majoritairement tournés vers la musique occidentale, le komous revient dans les mœurs. Mais c’est un survivant : l’Union soviétique a peu à peu fait tomber dans l’oubli la musique traditionnelle kirghize et ses instruments, au profit des classiques russes, au violon ou au piano. Mais comme partout en Asie centrale, l’URSS a aussi su jouer du folklore local en incitant à composer au komous des chansons aux thèmes typiquement soviétiques, comme cette « Journée de travail »… Téléchargement jour_de_travail.mp3. L’ouvrier kirghize y est appelé au labeur et au courage.

Ou encore cette mère qui pleure son fils, parti à la « grande guerre patriotique ». C’est ainsi que Russes et Kirghizes nomment la deuxième guerre mondiale.Téléchargement chanson_triste.mp3

Et malgré la colonisation, le caractère nomade du peuple kirghize reste un élément majeur des chansons au Komous et on ne compte plus les airs rappelant les courses à cheval ou la beauté de la bête en plein effort… Un « Alasgulu », pour une dernière chevauchée en musique… Téléchargement course_cheval_alasgulu.mp3

Mathilde et Camille

27 février 2007 dans Carnet de bord | Lien permanent | Commentaires (0)

Alamédine, bazar de Bishkek

Mes_lagmansGraphique  Balade en noir et blanc dans le bazar d'Alamédine, l'un des plus beaux marchés couverts de Bishkek. Là où l'on ne voit souvent que les étals, marchandises et couleurs, nous sommes impressionnés par les structures architecturales des marchés soviétiques. A Alamédine, la grande halle est percée de hauts puits de lumières fuselés. Et les voûtes, coursives du bâtiment offrent un cadre rêvé aux photographes amateurs.

Voir dans l'album "carnet en images #2".

19 février 2007 dans Carnet de bord | Lien permanent | Commentaires (0)

BDMT #4 // Le Turkménistan n'a pas attendu le "vote des bêtes sauvages"

« Vous, Koyaga, avez voulu savoir parmi ses collaborateurs qui était son adjoint, son éventuel successeur. Il a souri et vous a répondu qu’il ne choisirait jamais librement et de bon cœur un successeur et il vous a conseillé de ne jamais en désigner un. Parce qu’un successeur, qu’on le veuille ou non, est un concurrent et les peuples arrêtent d’être attachés à un guide dont la disparition cesse d’être une catastrophe pour un pays. »

Ahmadou Kourouma, En attendant le vote des bêtes sauvages, extrait mettant en scène un jeune dictateur africain, venu prendre des leçons auprès d’un plus vieux que lui.

Au moment où nous nous frottons aux dictatures d’Asie centrale, certaines lectures nous rappellent que l’autoritarisme est un art qui a ses codes et ses règles d’or qui unissent tous les despotes, d’Afrique, d’Amérique et d’Asie.

Saparmourat Niazov disparu, le Turkménistan s’est donc « choisi » un nouveau président. Pas le successeur désigné du Turkmenbachi, non : celui-ci a appliqué à la lettre la règle énoncée ci-dessus. Gourbangouli Berdymouhammedov, l’« élu » de dimanche, 89% des voix, était jusqu’alors un honnête ministre éclipsé par l’omniprésent président (omniprésident ?), juste assez discret pour avoir échappé quinze ans durant aux incessantes purges parmi l’élite politique du pays… Autre précepte du parfait despote, cette application à évincer régulièrement tout personnage public ou ministre qui pourrait prendre de l’importance à l’ombre des statues dorées. Saparmourat Niazov a lui poussé cette paranoïa managériale jusque dans les rangs de sa propre famille.

Berdymouhammedov n’était donc pas le successeur désigné de Niazov ; pour la bonne raison qu’il n’en existait pas. C’est dans les heures qui ont suivi la crise cardiaque mortelle du Turkmenbachi, le 21 décembre dernier qu’il l’est devenu. D’autres se sont chargés de lui tailler le costume du parfait héritier. Première étape, se débarrasser du principal prétendant, le président du Parlement, évincé et incarcéré le 22 au matin au nom d’ooportuns motifs judiciaires. Berdymouhammedov endosse sur ces entrefaites la fonction de président par intérim, et c’est lui qui dirige les cérémonies de funérailles du regretté despote. Le symbole de légitimation envoyé à la population turkmène est fort : à l’ère soviétique, pour connaître le successeur du chef, il suffisait de savoir qui organisait son enterrement…

Mais voilà, la Constitution est formelle, le président par intérim ne peut être candidat aux élections prévues le 11 février. Qu’à cela ne tienne, ladite Constitution est modifiée fin décembre. Autre réforme « sur-mesure » : le même jour, l’âge légal d’un candidat est rabaissé de 50 à 40 ans… Faut-il préciser que Berdymouhammedov affiche… 49 ans au compteur ?

C’est donc bien assis sur le trône laissé vide par Niazov que Berdymouhammedov a abordé, et débordé, ce scrutin qui n’en aura pas été un (demandez à l’OSCE si vous me croyez pas).

Alors pourquoi Berdymouhammedov ? Le nouveau président turkmène est, pour certains, une marionnette agitée par un autre: Akmourad Rejepov, le très influent chef des très puissants services secrets turkmènes. Un autre miraculé (mais qui croit encore aux miracles en Asie centrale ?) des années Niazov, dans l’entourage très proche du Turkmenbachi. Et, on le comprend bien, soucieux depuis la mort inopinée de ce dernier d’assurer la continuité du régime et accessoirement de ses colossaux intérêts financiers personnels. 

Ahmadou Kourouma inscrit ses dictateurs dans l’Afrique de la guerre froide. Dans l’Asie centrale ex-soviétique du gaz et du pétrole, on n’a pas de leçons à recevoir de personnes. Pour une version plus locale du propos, et où la triste réalité ne prend pas la peine de se cacher sous la fiction, on conseillera  Murder in Samarkand, de Craig Murray. Ex-ambassadeur britannique en Ouzbékistan, Murray y décrit les mécanismes du système Karimov et les hypocrisies diplomatiques des puissances occidentales. Sa carrière, semble-t’il, en a pris un coup…

Pour ceux qui veulent aller plus loin sur les élections turkmènes, lisez (en anglais) le très complet rapport de l’International Crisis Group sur le sujet.

Camille

17 février 2007 dans Bishkek dans ma tete | Lien permanent | Commentaires (1)

A l'école du Coran

Un peu lassée de notre vision occidentale souvent caricaturale de l’Islam et vivant depuis 4 mois dans un pays musulman, je me suis mise en tête de visiter la grande médressa (école coranique) de Bichkek, après avoir visité trop vite celle de Kokand, en Ouzbékistan, pour le compte du Journal des Enfants (article à paraître dans en février, nous relayerons sur le site). Lecture_coran_plus_loin

L’islam kirghize est traditionnellement modéré. Il a d’abord dû composer avec le mode de vie nomade et les pratiques chamaniques. Plus de 60 ans d’athéisme officiel prôné par l’URSS l’ont ensuite sérieusement affaibli. Avec l’indépendance, l’islam s’est redéployé : plus de 8000 mosquées ont été construites et partout dans le pays ont fleuri des écoles musulmanes.

La plus importante médressa de Bichkek jouxte la mosquée centrale de la capitale, où les hommes (seulement) participent aux prières communes. Oulan, jeune homme de 17 ans, sera mon guide. Il a lui-même fréquenté une médressa et en a gardé une foi profonde, qu’il exalte presque à chaque phrase. Une cinquantaine d'élèves, âgés de 7 à 17 ans fréquente la médressa. Ils vivent nuit et jour dans l’école. Le week-end, retour en famille…

Je pénètre dans l’une des chambres, des dizaines de petites paires de chaussures s’entassent sur le pas de porte. Les élèves vivent à quinze dans ces grandes pièces, à la fois dortoir et salle de cours. Un simple lavabo forme le coin toilette et une grande marmite sur un foyer fait office de cuisine. « Pas de femme ici, nous nous débrouillons tous seuls ! », affirme l’un des professeurs, rieur. Son collègue, un honorable turban noué autour de sa tête dodelinante, est assis en tailleur sur l’un des lits superposés : il lit le Coran. Les élèves l’écoutent en palsmodiant. Ils feront toute la scolarité ici, sans suivre d’autre cours que l’apprentissage de la prière, de 8 h du matin à 6 h du soir.

Enfants_proches« Dans les médressas, les élèves apprennent uniquement à lire le Livre sacré. Pour le comprendre, nous avons des textes en kirghize. Puis, si ils le veulent, les élèves peuvent aller à l’université arabique voisine pour apprendre l’arabe ». Ainsi m’explique Yigit, spécialiste du coran et professeur lui aussi, dans la salle de prière de la mosquée. Mes jambes, en tailleur depuis une heure, commencent à sérieusement me faire souffrir. Mais j’essaye de garder l’attitude la plus respectueuse possible, consciente de la faveur qui m’est faite. Je suis l’unique femme présente dans ce lieu saint, avec comme seule présence masculine un adolescent grand comme trois pommes. Je m’interroge… Pourquoi couper ainsi les élèves de l’extérieur, et ignorer les sciences, l’histoire, les langues ?  « Ils doivent vivre ici, me répond avec douceur Yigit, pour étudier, comprendre le livre et apprendre à se contrôler. Dehors, vous ne pouvez pas vous concentrer sur le Coran. En sortant, ils sauront vivre avec les autres et se comporter dans le monde ». Oulan rajoute, fermement convaincu, que « tout est dit dans le Coran ». D’ailleurs, tous deux se réfèrent constamment au prophète Mahomet pour répondre à chacune de mes questions. Gros_plan

Le futur pour les cinquante pensionnaires est, pour la majorité d'entre eux, d’embrasser la « profession » d’imam, ce qui exige d’aller étudier un temps à l’étranger. Les autres seront professeurs ou simples croyants. Les filles, qui étudient dans une médressa séparée, « se marieront et pourront elles aussi devenir professeurs, mais jamais imam », me précise Yigit. 

Je ressors de la médressa, pleine des paroles du Prophète, qui ont toujours du mal à raisonner en moi.« Tu dois être à l'intérieur de l'islam pour le comprendre, m'explique Oulan. Mais c'est déjà bien d'essayer de t'en approcher. Tu peux poser toutes tes questions, l'islam est une religion de paix ». 

Mathilde

07 février 2007 dans Carnet de bord | Lien permanent | Commentaires (2)

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