Cette note en plusieurs episodes pour patienter en attendant d'ecouter sur la Radio Suisse Romande, et peut-etre de lire, nos reportages sur la Vallee d'Ak Say.
Retour de cinq jours de reportage dans la vallée d’Ak Say, à 11 heures de voiture de Bishkek, la capitale. Nous sommes accompagnés par Nourali, professeur de français à l’université nationale et enfant d’At Bashy, le plus proche village de la vallée. Oké sera, au volant d’une vieille jeep sovétique, notre chauffeur tout-terrain. Avec lui, nous franchissons le col enneigé qui nous sépare de la vallée, la plus froide et l’une des plus hautes du Kirghizistan. Bien sûr, on pousse, et passe le col à pied… Nous y attend le premier poste de contrôle, tenu par des militaires portant encore les insignes soviétiques sur leurs lourds manteaux de fourrure. « Gloire à nos valeureux soldats qui défendent les frontières sacrées du Kirghizistan », la formule est inscrite au fronton de la petite garnison. Car nous sommes ici à quelques kilomètres de la Chine, tapie de l’autre côté des dernières montagnes kirghizes. Après Ak Say, c’est le Xing-Tiang chinois. Installés ici du temps de l’Union soviétique pour contrôler le passage à ce confin de l’URSS, les soldats sont restés, défendant aujourd’hui un pays indépendant qui, ironie du sort, (sur)vit notamment grâce à l’afflux massif de produits chinois et qui a si peur d’être envahi par son géant de voisin. Munis de permis préalablement visés par le SNB, les services de renseignements kirghizes, nous passons les contrôles sans encombres.
La vallée est là, à perte de vue sur des dizaines de kilomètres. La voiture suit la ligne de poteaux électriques, qui venaient jusqu’ici alimenter les bergers travaillant pour l’Etat. Et au fond de la vallée s’étale l’ancien « centre culturel », qui comprenait à l’époque soviétique un hôpital, un magasin, un hôtel, une salle de cinéma et de concert, etc. Il fallait divertir, nourrir et soigner ces éleveurs, venus par milliers sous l’URSS travailler à Ak Sai. Véritable grenier à viande de l’Union, la vallée a nourri plusieurs millions de têtes de bétail, moutons, yaks, chevaux, répartis en 9 kolkhozes. Aujourd’hui, le centre n’abrite plus que 4 ou 5 familles, les bâtiments sont tombés en poussière, et il faut attendre la visite annuelle d’un médecin d’At Bashy pour espérer un soin.
Autour de ces rues aux allures de ville-fantôme, se côtoient deux familles d’anciens infirmiers, recyclés aujourd’hui en « chômeur-artisans», et deux éleveurs dont un tient le magasin, désormais réduit à sa portion congrue. Nous dormirons chez Aïbek, vague cousin de Nourali. Nous errons dans le village, visitant l’ancien hopital, où sont restés chaise d’accouchement, bureaux et tableaux de tours de garde. « J’ai accouché de mon dernier enfant à la maison et coupé seule le cordon », nous racontera une des anciennes infirmières. Téléphone, radio, plus rien ne marche, et At-Bashy est souvent trop loin. Pour descendre, il faut attendre qu’une voiture comme la notre passe par Ak Say…
Nous nous enfonçons dans la vallée, à la recherche de la bergerie de Lakhat et de sa femme Kiris. Ils vivent entre quatre murs de terre séchée, avec leurs deux jeunes enfants et élèvent les juments d’un propriétaire vivant en bas. C’est presque toujours le cas pour les quelques 350 familles qui continuent de vivre dans la vallée. « Avant, on travaillait pour l’Etat, maintenant, nous sommes les esclaves des riches, ça ne change rien », résume un voisin. Dans la maison sont rassemblés une dizaine de couples, fêtant ce 8 mars, jour de la fête des femmes. Ici, on ne badine pas avec le calendrier. La nappe à même le sol est littéralement recouverte de borsoks, petits pains frits, qui servent à patienter avant le repas. Nous sommes époustouflés par l’accueil et Nourali, Kirghize pourtant rompu aux traditions nationales, n’en revient pas non plus. Quelques minutes après notre arrivée, on mange, on boit, on chante ensemble. Thé par litres, vodka bien sûr, mais aussi bozo, l’une des boissons nationales, à base de céréales fermentées. Les bergers sont semblent-ils touché de voir des étrangers monter en plein hiver, et si haut, à leur rencontre.
Tandis que le Beshbarmak, plat de mouton bouilli, achève sa cuisson sur le poêle chauffé à la bouse de yak séchée, Tourganali, le plus ancien de la bande, nous embarque à cheval. Nous chevauchons doucement sur la steppe, prenant le temps d’admirer le coucher de soleil sur la vallée. A cause de l’altitude, le mouton cuit ici en quatre heures, contre 2 à Bishkek. Au sommet d’un petit vallon, on observe la frontière chinoise, à 4 heures de cheval, et les bergers nous racontent leur belle époque, quand on se bousculait pour vivre à Ak Say…
Mathilde et Camille
c'est camille sur la photo ? en admiration devant le paysage...
en tout cas ça a l'air grandiose. on s'y croirait. et plus " vrai " que les mosquées touristiques de Samarcande ou autres
filochard, dit " sarko ket'sin " ( c'est mon nouveau pseudo )
Rédigé par : philippe | 16 mars 2007 à 18:46
je n'imaginais pas que la fête des femmes existait jusque là-bas; pourtant le développement de la polygamie ne va pas dans le bon sens....mais je me demande si ça ne tente pas Camille, qui me parait être tout à son aise au milieu de ces 2 bergers?
les moutons kirghises sont-ils aussi difficiles à attraper que les moutons irlandais ?
Rédigé par : clau | 17 mars 2007 à 17:47
Wahou, ils font du cheval comme des grands sur les plateaux kirghizes...
La classe :D
Rédigé par : Elo | 19 mars 2007 à 18:33