L'agriculture française est reconnue pour sa qualité et sa diversité à travers le monde, mais ce n'est pas une raison pour se reposer sur ses lauriers. Les principaux dangers qui guettent notre production sont la raréfaction des terres cultivables et la diminution du nombre de jeunes agriculteurs candidats à l'installation.
François Hollande l'a dit haut et fort au salon international de l'élevage l'an dernier, à Rennes : « La France doit contribuer à nourrir le monde »... Objectif louable, mais il s'avère que les exportations agricoles hexagonales sont en baisse (moins 7% par rapport à 2011, selon le ministère de l'Economie et des finances ) et que la production française stagne depuis une décennie, selon une étude de l'Inra réalisée l'an dernier (1). Faut-il pour autant s'inquiéter pour notre autonomie alimentaire ? « Il est difficile de raisonner à l'échelle d'un seul pays, et bien sûr nous ne serons jamais auto-suffisant en agrumes par exemple, explique Guy Vasseur, président du réseau français des Chambres d'agriculture. Mais cela reste un enjeu réel sur le plan européen. Nous vivons dans une région du monde bénie des dieux sur le plan agricole, mais pour les cultures dites vitales, nous devons rester vigilants. » La diminution relative de nos capacités de production s'explique avant tout par un changement des pratiques, et la fin du tout intensif, très coûteux sur le plan environnemental. Tout le défi est donc aujourd'hui de garder une production agricole en croissance, qui soit compatible avec la préservation de la planète. L'équilibre est d'autant plus difficile à tenir que la population augmente sans discontinuer : en 2050, selon l'Insee, la France métropolitaine compterait 70 millions d’habitants, soit 6 millions de plus qu'aujourd'hui.
Perte des terres agricoles
Outre l'accroissement des normes environnementales, et un certain déficit sur le plan de la recherche agronomique, cette baisse des rendements serait aussi due à des modifications climatiques, et à la diminution du nombre d'agriculteurs sur le sol français. Le métier attire moins, et pour les jeunes qui souhaitent encore s'installer, la terre agricole se fait rare. « Chaque seconde, nous perdons 26 m2 de surface agricole en France. Tous les 6 ou 7 ans, c'est l'équivalent d'un département français qui disparaît, liste Thomas Diemer, élu au sein du syndicat des Jeunes agriculteurs. Le phénomène n'est pas récent mais s'accentue dangereusement. En concurrence avec le foncier agricole, l'habitat, les infrastructures économiques et le développement des transports routiers, ferrés ou aériens. Sans oublier que les terres agricoles à proximité des villes, très convoitées, sont également les plus fertiles, ce qui bride d'autant les capacités de production.
Pouvoir consommer français
Dernier enjeu, permettre à l'agro-industrie hexagonale de se fournir localement, sur des gros volumes, pour permettre en bout de chaîne aux consommateurs de manger transformé, mais néanmoins français. Une démarche pas toujours facile à mettre en œuvre, surtout lorsque les capacités de production sont ralenties. « Et pourtant, l'industrie française doit absolument jouer le jeu de l'approvisionnement local, conclue Guy Vasseur. Avec la hausse du prix des matières premières, et l'importance accrue du bilan carbone dans notre alimentation, c'est un phénomène qui ne peut que s'accentuer. »
Mathilde Goanec
(1)De 1960 à 1996, la production agricole et agroalimentaire française augmentait au taux annuel de 1,6 %, mais, depuis 1996, les gains de productivité ont régressé pour s’établir à environ 0,6 % par an, selon la revue Inra Sciences sociales, parue en février 2012.
Fleuron français, la filière bovine en difficulté
En 2010, le cheptel bovin était en baisse de plus de 4 % par rapport à l'an 2000, même si la France reste le premier producteur de viande bovine de l'UE. Et le débat quant à l'avenir de la filière fait rage : si les industriels veulent plus de volumes pour moins cher, comme aux États-Unis ou au Brésil, les éleveurs restent attachés à l'image de marque du bovin français, des races distinctes associés à des territoires et élevées à l'herbe. La profession souffre déjà de prix trop bas : en dix ans, le nombre d'éleveurs a diminué d'un quart, notamment dans le domaine de la viande laitière. « On travaille tout la semaine pour un revenu moyen de 13 000 euros annuel, c'est une honte ! », peste Jean-Pierre Fleury, secrétaire général de la Fédération nationale bovine, qui espère une prise en compte politique du problème. L'enjeu est de taille. La viande est l'un des produits agricoles dont la consommation mondiale progresse à un rythme élevé, suivant la croissance des classes moyennes dans les pays en développement.