Ceci est un extrait de notre dossier complet sur l'Orthodoxie, "Moscou veille sur Paris", paru dans l'hebdomadaire Témoignage chrétien du 19 mai en vente en kiosque ou sur le site du journal.
ENQUÊTE - Le 19 mai, l'Etat russe a été déclaré propriétaire de la cathédrale orthodoxe Saint-Nicolas de Nice jusque-là rattachée aux orthodoxes de Constantinople. Par ce biais, le Patriarcat de Moscou étend ainsi son influence sur la côte méditerranéenne.
Sur la Côte d’Azur, lieu de villégiature privilégié de nombreux Russes en goguette, la bataille pour les lieux de culte s’est intensifiée ces dernières années.
La splendide cathédrale de Nice, actuellement sous protection du Patriarcat de Constantinople, est le symbole de ces guerres de chapelles. Moscou a ainsi décidé que la cathédrale Saint-Nicolas, construite par la famille impériale au tournant du XIXe siècle, devait revenir dans son giron.
L’affaire commence en 2007, lorsque des huissiers mandatés pour le compte de la Russie lancent un inventaire des biens de la cathédrale, provoquant la colère du conseil paroissial, réuni en association et en charge de l’église. Elle tourne au vinaigre lorsque la Russie réclame purement et simplement la propriété de l’édifice, sur le principe que le bail emphytéotique de 99 ans dont bénéficie l’association arrive à expiration en 2008.
« Effectivement, ce bail existe, mais entre-temps il y a quand même eu une rupture sans précédent dans l’Histoire, rappelle Jean Gueit, recteur de la cathédrale Saint-Nicolas. Le bail a été signé par l’Empire tsariste, mais le régime soviétique a rompu toute continuité avec ce pouvoir, il y a donc prescription quant à l’acquisition. »
Les tribunaux de la région ont donné raison à la Russie en première instance, mais le conseil paroissial a porté l’affaire en appel. « Cette décision de justice est purement politique, dictée par le pouvoir français pour plaire à la Russie, fulmine le recteur Jean Gueit. Il y a un commando de sept à huit personnes, des agents de Moscou, qui tentent de diviser notre paroisse. »
Ces tensions niçoises, pour l’ambassadeur de Russie en France, seraient l’œuvre d’un « petit groupe de personnes, qui ont peur de perdre leurs biens. Mais la majorité des gens veulent un retour dans le Patriarcat de Moscou ». La lutte s’annonce donc acharnée :
« Ils veulent nous expulser mais nous ne bougerons pas, s’emporte Jean Gueit. Je suis responsable de l’autel devant Constantinople et je ne quitterai jamais ma place, ou alors il faudra me déloger par la force. Je ne quitterai ce lieu que sur ordre de mon évêque. »
MAFIA
À Cannes, le malaise s’est progressivement insinué depuis le rapprochement de l’église russe locale avec le Patriarcat de Moscou, entamé en 2007.
L’évêque Vladimir Prokofiev, véritable artisan de cette réunification, est l’ancien président de l’association cultuelle de l’église orthodoxe russe de la ville. Il a été accusé en novembre dernier d’avoir détourné plus de 400 000 euros, de l’argent offert par un millionnaire et mafieux notoire, Léonid Bilunov. Celui-ci, installé à Cannes depuis plusieurs années, n’a jamais caché son souhait de voir l’église revenir dans le giron du Patriarcat de Moscou et détaille même explicitement ses liens avec le Kremlin :
« Poutine a entendu parler de l’église de Cannes et il a ordonné de me traiter avec indulgence. Aujourd’hui, on peut enfin dire que c’est une église russe, nous redressons la tête », affirme Léonid Bilunov, dans le film sur le crime organisé L’honneur des brigands d’Igor Hansen-Love, sorti en 2010.
Cette proximité avec la mafia russe a divisé la communauté religieuse autour de l’église, mais n’a pas empêché le Patriarcat de Moscou d’asseoir son influence. Le père Maxime Massalitine, chargé après le départ de Prokoviev de remettre de l’ordre dans la paroisse, a rappelé aux fidèles que la réunification avec la Russie n’était pas négociable.
Mathilde GOANEC
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Rédigé par : Bones | lundi 01 août 2011 à 10h01