Si, au début du conflit ossète, les autorités ukrainiennes appelaient seulement à l’arrêt des hostilités, elles ont bien vite pris position pour leur « frère » géorgien. En effet, la Russie, par ses déclarations très agressives, a fait voler en éclats la neutralité ukrainienne : Kiev aurait selon Moscou armé frénétiquement la Géorgie, la poussant à intervenir militairement, et même à procéder à des « nettoyages ethniques » en Ossétie. Si l’Ukraine a admis avoir livré des armes à la Géorgie depuis 2005, dans le cadre d’un accord de coopération militaire, elle a fermement réfuté ces accusations de pyromanie, les qualifiant de « propagande russe ».
La situation s’est un peu plus aggravée dimanche, lorsque des navires de guerre russes, postés à quelques kilomètres du littoral géorgien, ont entamé un blocus maritime du pays. Ces bateaux viennent de Sébastopol, dans la péninsule ukrainienne de Crimée, où les Russes conservent une base militaire, louée à l’Ukraine jusqu’en 2017. L’Ukraine s’est donc retrouvée de fait dans une situation complètement schizophrénique, hébergeant sur son territoire une armée en guerre contre un de ses alliés… Le Ministère des affaires étrangères ukrainien n’a pas tardé à réagir, en déclarant que Kiev se réservait le droit de ne pas autoriser les navires russes à rentrer à Sébastopol. Loin de s’émouvoir, l’Etat major russe a indiqué à son tour que la flotte rentreraient tout naturellement à sa base, soulignant malgré tout qu’avec ces menaces, l’Ukraine devait être considérée comme « une troisième partie impliquée dans le conflit ».
"L'Ukraine n'est plus en sécurité"
« La position de l’Ukraine, c’est qu’il est temps de soutenir la Géorgie, car les deux pays sont similaires. Nous sommes tournés vers l’Ouest et dans une situation tendue avec la Russie », explique Pétro Bourkovsky, analyste au sein de l’institut national d’études stratégiques à Kiev. En effet, ces deux anciennes républiques soviétiques ont vécu, à quelques mois d’intervalles, ces fameuses révolutions colorées qui ont porté au pouvoir deux pro-occidentaux convaincus, Victor Iouchenko et Mikhaïl Saakachvili. « Nous aussi nous avons des troupes russes sur notre sol, et une région autonome très russophone, la Crimée, poursuit Pétro Bourkovsky, et on ne peut exclure l’hypothèse d’une tentative d’annexion pareille à celle de l’Ossétie dans le futur ».
Bien sûr, Moscou hésitera à deux fois avant de s’attaquer à l’Ukraine, un gros morceau fort de 50 millions d’habitants, aux frontières de l’Europe. Mais « après l’agression militaire de la Géorgie par la Russie, l’Ukraine ne peut plus se sentir en sécurité », confirme Mikhaïl Samous, analyste au Centre d’études pour la réforme des armées et le désarmement en Ukraine. Un avis partagé par Pétro Bourkovsky, qui estime que « tous ces conflits gelés donnent une possibilité à la Russie de jouer de son influence dans toute l’Ex-Urss, sur la question ossète, la question de la Crimée ou encore de la Transniestrie (Etat indépendant autoproclamé en Moldavie, reconnu uniquement par les Russes) ».
Au printemps dernier, l’Ukraine comme son voisin géorgien a demandé à être admise au Plan d’adhésion à l’Otan, s’attirant ainsi les foudres de Moscou. Au vu de l’agressivité russe dans le conflit ossète, il y a fort à parier que la candidature de la Géorgie comme celle de l’Ukraine soit renvoyée aux calendes grecques. A grand dam des dirigeants ukrainiens : « Si nous restons en dehors de l’Otan, cela renvoie l’Ukraine sous le contrôle de la Russie, ce qui menace notre Etat même. La seule alternative serait une alliance bilatérale avec les Etats-Unis, analyse Pétro Bourkovsky. Ce n’est pas non plus satisfaisant, car nous pourrions alors devenir un champ de bataille entre la Russie et les Etats-Unis. Nous avons donc plus que jamais besoin du parapluie de l’Union Européenne».
Mathilde GOANEC
Sur ce sujet, plusieurs papiers radios ces derniers jours sur les différentes radios avec lesquelles nous collaborons. Dernier en date, ce matin sur France Inter, en écoute ce jour sur le site de la chaîne (édition de 7h30)
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