Elle a été rétablie dans la plupart des ex-républiques soviétiques d'Asie centrale, devenues indépendantes. Au Kirghizistan, les parlementaires n'ont pas encore décidé.
Abduldha Omourov est un homme riche: il possède 500 ya
cks dans les montagnes kirghizes, plusieurs maisons… et deux femmes. “La première vit à At-Bachy, au sud-est du pays, et la deuxième à Bishkek avec moi.” Son deuxième mariage religieux n’a aucune valeur légale. Selon la loi kirghize, Abduldha est passible de deux ans de prison pour polygamie. Dans les faits, aucun risque. “Il y a des plaintes, surtout des premières femmes, qui acceptent mal de partager le mari et l’argent du ménage. Mais il est rare qu’elles débouchent sur un procès ”, explique Anara Niazova, chargée de la question de la Femme auprès du Président. Au nom de « valeurs traditionnelles », le ministre de la Justice kirghize, Marat Kaïpov, a même proposé à la fin du mois de février de dépénaliser la polygamie. Comme dans les pays voisins.
Triste perspective à la veille de la Journée de la femme dans le monde. Mais la fronde s’organise au sein des organisations de défense des femmes. « C’est quoi la tradition kirghize ? Sûrement pas les traditions islamiques !, tempête Anara Niazova. La polygamie n’a jamais été ancrée dans nos mœurs. Sous l’Union soviétique, elle était même formellement interdite, et avant cela, tolérée dans des cas bien précis, la stérilité de la femme par exemple. »
Pour Goulnara Ibrahiva, directrice d’une ONG féministe à Bishkek, la loi actuelle est plus que jamais nécessaire : « Beaucoup d’hommes politiques expliquent que la polygamie est très répandue mais c’est faux. Cette proposition est surtout un moyen pour notre establishment politique et économique de légitimer un nouveau mode de vie ». En effet, nombre de députés, ministres, hommes d’affaires ou religieux ont eux mêmes deux ou trois femmes, tout en conservant un secret de polichinelle sur leur vie privée. Quand à la lutte contre la prostitution, argument majeur des légalistes, Gulnara Ibrahiva estime que « c’est la pauvreté qui pousse les femmes dans la rue et pas l’absence de mari ».
Ce sera aux parlementaires kirghizes de trancher. L’hémyclique ne compte aucune femme dans ses rangs, ce qui place le pays à la dernière place mondiale en terme de représentation des femmes en politique, selon une récente étude de l’ONU. Pour Goulnara Ibrahiva, le lien avec la recrudescence de la polygamie est évident : « Plus la femme perd en égalité dans le domaine familial, moins elle possède la capacité de s’engager dans le domaine public ».
(article publié dans l'édition du 07 mars 2007)
Deux reportages de 2'30 et de 3'30 sur la polygamie, realise par Camille, ont ete diffuses la meme semaine sur RFI. Malheureusement, impossible de les mettre en ligne.
Le parlement a depuis refuse de legaliser la polygamie au Kirghizistan, a une courte majorite.