La succession de Saparmourat Niazov, leader autoritaire et mégalomane, se joue dimanche dans les urnes de la république centrasiatique.
BISHKEK (correspondance). - Jeren (1), une étudiante turkmène vivant au Kirghizistan, n'en revient pas : « J'ai vu plusieurs visages sur les affiches électorales dans mon pays ! ». Rentrée dans sa famille pour les fêtes, elle a assisté au début de la première campagne présidentielle depuis 15 ans au Turkménistan. Le scrutin fait suite à la mort, en décembre dernier, du président à vie Saparmourat Niazov, qui s'était autoproclamé « Turkmenbachi » ou père de tous les Turkmènes.
Six candidats doivent en découdre ce dimanche. Le cas de figure détonne dans cette ex-république soviétique qui, depuis son indépendance en 1991, n'a connu que des élections à candidat unique. Des experts de l'OSCE ont même été « invités » par les autorités du pays pour observer le déroulement du scrutin. Le petit théâtre de la démocratie est en marche.
« Les élections se déroulent en fait dans un environnement tout sauf démocratique. » Michael Hall, directeur de l'International Crisis Group pour l'Asie centrale, est sans illusion : « Les candidats sont tous issus du parti unique créé par Niazov lui-même ». Le scrutin semble en réalité savamment orchestré par les services secrets et l'entourage de feu le Turkmenbachi, avec pour vainqueur désigné l'actuel président par intérim Gourbangouly Berdymouhammedov.
« Les autres candidats, personne ne les connaît, ils n'ont aucun charisme, souligne Jeren. C'est d'ailleurs pour cela qu'on les a choisis. » Pour Aman, autre Turkmène expatrié, les réflexes de vote soviétiques feront le reste pour légitimer Berdymouhammedov : « Quand le Président meurt, c'est celui qui a organisé ses funérailles qui prend naturellement le pouvoir à sa suite ».
La démocratie éclôt rarement sur les cendres encore tièdes d'un dictateur de la trempe de Niazov. Le peuple turkmène, maintenu durant deux décennies dans un état d'isolement, d'endoctrinement et de sous-développement que seul pourrait concurrencer la Corée du Nord, ne semble pas pour l'heure aspirer à autre chose qu'à la stabilité. Le changement, s'il ne sortira vraisemblablement pas des urnes, a peut-être une chance de s'amorcer, malgré tout. « Berdymouhammedov, tout en annonçant qu'il allait suivre le modèle mis en place par Niazov, a répété vouloir libéraliser le pays », constate Tim Epkenhans, directeur de l'académie de l'OSCE à Bichkek.
Réformes de l'éducation, de la santé, des retraites, le candidat Berdymouhammedov a en effet distillé des gages de changements socio-économiques. Mais silence radio sur la question des droits de l'Homme. De quoi augurer, pour beaucoup, un futur « Turkmenbachi light » en guise de régime...
Mathilde GOANEC.
(1) Les prénoms ont été changés.
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