Le sexe en toute sécurité ? Trop cher. En Ukraine, le prix des préservatifs a doublé, voire triplé depuis l’automne dernier. Comme tous les autres produits d’importations, la capote subit la dépréciation de la grivna, la monnaie nationale, consécutive à la crise financière qui touche très durement lepays. Le docteur Volodymyr Kurpita du réseau PLWH, l’une des principales ONG qui luttent contre le VIH en Ukraine, est loin de prendre cette affaire d’étiquette à la légère : « Pour la population locale, qui achète des préservatifs en pharmacie ou dans des kiosques, l’inflation est très problématique. Surtout chez les jeunes, qui sont les plus grands consommateurs, mais qui ont aussi le moins de moyens ». L’assistante d’un député en charge du dossier voit arriver le printemps avec inquiétude : « C’est la scène classique, surtout en campagne où les jeunes sont moins sensibilisés: le couple va au kiosque, achète une bière, du poisson séché et un préservatif. Si la facture est trop chère, c’est plutôt le préservatif qu’ils vont laisser de côté ». Pour l’Ukraine, cette hausse de prix pourrait bien être catastrophique, le pays étant l’un des plus touchés d’Europe, avec 1,63 % de la population infectée par le virus du sida.
Il y a quelque mois, la douzaine de préservatifs coûtaient 35 grivnas (5 Euros). Aujourd’hui, les prix tournent plutôt autour de 100 grivnas, soit plus de 9 Euros. Selon PLWH, les fabricants étrangers confirment déjà une baisse des ventes sur le marché ukrainien. « Moi, je suis étudiant et c’est très inquiétant pour nous, parce qu’on n’a pas de salaire, on ne touche pas d’aides sociales, explique Pavel, devant l’université Moghila, à Kiev. Et on ne peut pas faire des économies sur la santé. Ce qu’il faut, c’est revenir à l’ancien prix ». Mais le gouvernement ukrainien, déjà aux prises avec un budget surévalué pour 2009, a les poches vides. Les ONG, qui réclament des programmes publics de distribution de préservatifs, ont donc toutes les peines du monde à se faire entendre. Le docteur Kurpita prône quant à lui un soutien à l’industrie locale de fabrication de préservatifs, moins chers à la vente car moins dépendants du dollar… Et tant pis si les capotes ukrainiennes, même bon marché, n’ont pas bonne réputation en matière de qualité et de confort.
Sida, inflation, chômage, l’Ukraine s’enfonce peu à peu dans la déprime. Comme chez ses voisins à l’Est de l’Europe, la crise financière grève tous les pans de son économie et n’en finit pas d’aggraver les tensions sociales. Si les produits locaux d’alimentation restent stables, le prix des marchandises importées, à l’image du préservatif, s’envole. Surtout, les crédits, contractés en dollars mais remboursés en grivna, plombent le budget des ménages de la fragile classe moyenne. Le marché de l’immobilier s’effondre, et la production industrielle a chuté de 34,1% en un an, selon le Comité national de la statistique. Le Ministre des finances, dénonçant l’irresponsabilité du chef d’Etat et du Président, a même rendu son tablier la semaine dernière. Le FMI, qui avait concédé à l’automne un prêt d’urgence de 12,5 milliards d’Euros à l’Ukraine, rechigne à présent à verser la deuxième tranche. Les conditions d’équilibre budgétaire ne sont pas réunies, et face à la grogne montante et aux premières alertes au non-paiement de salaires, le Premier ministre Ioulia Timochenko hésite à couper dans les dépenses sociales. Difficile dans ces conditions d’imaginer une campagne gouvernementale pour la « capote à trois kopecks », comme l’exigent les ONG anti-sida ukrainiennes.
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