Un samedi ensoleillé, après deux journées de tempêtes de neiges, une température extérieure de -10°C et une lumière de fin d’après-midi... Nous désertons notre bureau pour réaliser un souhait que nous nourrissions depuis quelques semaines : étendre notre connaissance de la ville en payant une petite visite à deux lieux symboliques de la ville de Kiev, que nous avions jusque-là snobés.
C’est sur la colline de Petcherck, un peu au sud du boulevard Khrechiatik et de la place Maydan, station de métro Arsenalna. Pour se diriger, pas d’erreur possible. Sur notre gauche nous surplombons le fleuve Dniepro, ses îles et plus loin dans la claire lumière d’hiver, les quartiers-dortoirs de la rive gauche. Face à nous, en ligne de mire, les innombrables clochers et dômes dorés d’un immense complexe religieux dont on peine à embrasser l’étendue. Nous voici aux pieds de la Laure des catacombes, en ukrainien Kyiv Lavra Petcherska. Cette basilique, ou monastère, une vraie ville dédiée à la religion orthodoxe à flanc de coteau, regroupe un incroyable ensemble d’églises, de bâtiments anciens, dans un dédale d’épais murs et sur plusieurs niveaux, entre les arbres qui s’étendent au bord du fleuve. Ici, grâce notamment aux efforts déployés par le gouvernement ukrainien pour faire du lieux un joyaux du patrimoine national, l’on se surprend, en croisant en chemin les silhouettes noires et mystiques des moines-popes, à imaginer l’ambiance d’un Moyen-Âge à la mode orthodoxe. Une puissance et une dévotion se dégagent de ce que l’on imagine encore comme une majestueuse ville fortifiée. Car la ferveur habite toujours l’endroit, qui est un lieu de pèlerinage très respecté. Il faut visiter les différentes églises, toutes vouées à différents personnages et concepts religieux bien propres aux Chrétiens d’Orient, tels que l’Elévation de la Croix, la conception de Sainte-Anne, le Puits de vie… Toutes plus enluminées et fièrement dressées les unes que les autres, comme si elles occupaient seules la vedette, alors que seuls quelques dizaines de mètres les séparent.
Mais l’autre richesse du lieu se trouve sous terre. La Lavra doit son nom à un réseau de catacombes qui ont constitué le premier aménagement dans l’Histoire du monastère. Celui-ci a en effet été fondé par Saint Antoine, moine grec, à l’époque où le souverain Volodymir-le-Grand convertit la Rous kiévienne à la religion chrétienne. Nous sommes aux premiers temps du deuxième millénaire, et en 1051, Saint Antoine et ses disciples creusent pour y vivre en ermites une série de grottes. A leur mort, on dit que leurs corps protégés par la fraîcheur et l’absence d’humidité du lieu s’y sont naturellement conservés. Un phénomène qui atteste de leur sainteté, selon les croyants. Et ce sont donc leurs momies, vêtues de somptueux costumes sertis et conservées dans des catafalques de plexiglas, que l’on vient visiter, mais aussi toucher et embrasser, à la lumière des bougies dans les étroits boyaux des catacombes.
Comme dans les églises orthodoxes à l’heure des célébrations, on se prend à craindre un embrasement de fourrure, tant les dignes dames ukrainiennes arborant pelisse se pressent au plus près des bougies. Mais le miracle opère, et tout le monde ressort vivant des souterrains.
A la surface, un peu plus au sud, mais dominant de sa masse et de sa hauteur les murs de la Lavra , l’autre grande figure du Dniepro nous surplombe. C’est la Rodina Mat, la mère de la nation. Cette statue de guerrière porte haut, très haut le glaive et le bouclier, et culmine à plus de 62 mètres ! Ajoutez à cela qu’elle est installée sur le promontoire naturel de la colline de Petchersk qui surplombe le fleuve, cette « dame de fer » s’impose, dans son pur style monumental soviétique, comme le phare marquant l’entrée sud de la ville. On imagine que sa construction si près d’un autre monument, dédié celui-ci à la religion, a été voulue par le pouvoir soviétique pour écraser de son poids idéologique les coupoles de la Lavra. Aujourd’hui en tous cas, la photo prise du pont menant à la rive gauche, mettant au premier plan le monastère et au second l’immense statue, estl’une des plus prisées des marchands de cartes postales kiéviens.
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