Sur la route avec nous

La mer d'Aral refait surface

On l'a disait disparue et nous en etions restes la... Il faut dire que l'arrivee a Aralsk, ancien grand port de peche sovietique puis kazakh, nous a effectivement laissee penser que le malheur s'etait bien abbatu sur cette partie du monde. Imaginez plutot...

Bateauaralsk Alors que l'on pompait toujours plus en amont, pour alimenter les champs de la vallee du Ferghana, la mer d'Aral s'est progressivement retiree sur plus de 160 kilometres (1), sous le regard approbateur de l'Union sovietique, grand ordonnateur de sa disparition programmee. Pour developper la culture du precieux coton notamment, c'est bien peu de chose que de vider une mer... Le port d'Aralsk s'est donc retrouve a sec, tout comme des dizaines de villages au Kazakhstan et en Ouzbekistan. Avec la disparition de l'eau, c'est aussi toute la vie economique et sociale qui s'est fait la malle. Les grandes usines liees a l'activite peche ont ferme, et sur les anciennes lignes de chemin de fer, de vieilles locomotives n'en finissent plus de rouiller. Fresquegare Lors de notre arrrivee en gare, une immense et magnifique fresque rappelle la prosperite perdue : Des pecheurs en pull rayes tirent de larges filets du fond de l'eau, et deversent leurs poissons dans d'immenses tonneaux en partance pour le reste de l'empire. Sous le regard attentif de Lenine... La fresque commemore comment, dans les premieres annees de l'Union, les pecheurs de la mer d'Aral ont aide Lenine et son armee en lui envoyant 14 wagons de poissons. De quoi aiguiser la rancoeur des habitants, car ou que le regard se pose dans la ville, tout rappelle la prosperite maritime passee. La ville d'Aralsk ressemble donc aujourd'hui a un village desherite de la steppe kazakhe, pris par le sable, a tel point que des papiers journaux et de lourds rideaux calfeutrent les fenetres de toutes les habitations, pour empecher la terrible poussiere d'entrer dans les maisons.

Et pourtant, on ne cesse de nous le dire, la mer revient. La peche aussi, et lPoissonsbazar_2es poissons que l'on voit au marche, oui, oui, ce sont bien des poissons d'Aral. Explications : la mer est alimentee par le Syr-Daria, au nord, pour la partie kazakhe, et par l'Amou-Daria, au sud, pour la partie ouzbeke. Afin de sauver ce qui peut encore l'etre, les experts internationaux et les chefs d'Etat de la region ont donc decide de sauver ce qui pouvait encore l'etre, c'est a dire la partie kazakhe, mieux alimentee, et de "condamner" la partie sud, afin de preserver une "petite mer d'Aral". Une digue a ete erigee, pour eviter les deperditions entre les deux zones. Sa construction a ete achevee en 2005, et les premiers effets se font deja sentir.

Pour le constater, nous partons vers les villages de Djamboul et de Tastoubek, anciennement au bord de l'eau. Dans une bonne vieille UAZ, nous alternons desert et steppe recouverte de coquillages, roulant sur ce qui etait la mer il y a 50 ans.  Premier arret, le desormais celebrissime cimetiere de bateaux. Ils Epavecheminsont la, ronges par la rouille, negligemment poses sur la terre seche. De la douzaine de vieilles coques rassemblees ici aux premiers temps de la catastrophe, il ne reste plus que quatre navires et une vieille carcasse en piece detachees. Dans l'un d'eux, des travailleurs venus de Kyzylorda, la grande ville la plus proche (a une dizaine d'heures de train, quand meme...), achevent la decoupe de l'un des bateaux, afin de revendre la ferraille, commerce tres lucratif. Les bouts de coque gisent sur le sol, alors que la cabine du navire a ete reconvertie en abri de fortune. C'est le sort des grands "temoins" d"Aral, finir en pieces detachees. Dans un an environ, il ne restera surement plus une trace de ces grands bateaux russes. Si la mer revient, pourquoi s'encombrer de tels souvenirs ?

(1) Dimensions d'origine de la Mer d'Aral (avant la fin des annees 60 et son assechement progressif): 284 kilometres du nord au sud, 423 d'est en ouest, pour une profondeur maximale de 60 metres. Ces mensurations en faisaient a l'epoque le 4eme plus grand lac du monde.

Suite dans les prochains jours

Mathilde et Camille

22 septembre 2007 dans Carnet de bord | Lien permanent | Commentaires (1)

Une capitale "flambant n'oeuf"

Astana est une ville-chantier, c’est entendu. Tout au moins sa rive gauche, où les quartiers présidentiels, ministériels, diplomatiques, ainsi que d’innombrables résidences de grand standing et autres immenses centres commerciaux, achèvent de sortir de terre là où il y a quelques années encore courrait une steppe aride.
Au centre de cette nouvelle capitale aussi symétrique que grandiloquente, se dresse la tour Baïterek, haute structure métallique qui supporte un globe doré, le tout n’étant pas sans rappeler le trophée de la coupe de monde de football, mais passons…
Oeufavant
Autour de la place carrée qui abrite ladite tour, un autre édifice attire le regard : parmi les bâtiments diversement cubiques qui ferment l’esplanade, un œuf géant brise la symétrie ambiante. Cet œuf, c’est le futur bâtiment des Archives nationales, dont l’audacieuse construction s’achève ces derniers mois.
Déjà suffisamment remarquable en soit, l’œuf d’Astana a fait parler de lui bien avant son inauguration officielle (et c’est heureux pour les précieux et hautement inflammables documents que le lieu est voué à accueillir). Dans la nuit de lundi à mardi, sa coquille encore provisoire de bois aggloméré a pris feu, et le lendemain, c’est tout calciné que nous le retrouvions, l’ayant laissé la veille jaune et frais. De quoi gâcher un peu l’agencement pourtant archi-étudié par les meilleurs architectes d’Asie ! Oeufcram

Et le cas n’est pas isolé dans ce chantier perpétuel qu’est Astana. En matière d’incendies, c’est le « flambant » ministère de l’économie et des transports qui fait figure de référence. Et pour cause : la tour de plus de 25 étages, allez savoir pourquoi, a été dessinée par ses architectes inspirés en forme de briquet géant, ce qui lui fit un surnom tout trouvé chez les habitants de la ville, goguenards. Mais quand un, puis deux incendies se sont successivement déclarés sur le chantier, ravageant à chaque fois une bonne partie de l’édifice, les blagues ont filé bon train.
Plus sérieusement, ces incendies qui se répètent semblent symptomatiques de la légèreté professionnelle des bâtisseurs de la nouvelle capitale kazakhe. Pour le « ministère-briquet », par exemple, c’est l’utilisation d’un matériau de couverture inflammable qui est incriminée : le produit Made in China est trois fois moins cher que l’européen, ininflammable, mais sécurité et économies font rarement bon ménage. Les projets immobiliers sont avant tout l’objet de spéculations financières, et le système de contrôle du secteur par l’Etat répond à un modèle « à l’africaine », selon les mots, diplomates mais assez explicites, d’un architecte européen qui connaît bien Astana. Difficile de s’appuyer sur des normes et un contrôle officiel quand la corruption reste monnaie courante…
Tout ça laisse bien peu de place aux soucis de sécurité à long terme… Pour tout dire, selon le même architecte, les « résidences de standing » d’Astana ne dépassent pas au final les standards HLM français. Ajoutez à cela le fait que la ville nouvelle est construite sur un terrain marécageux, et que les bâtiments pouvant atteindre jusqu’à 80 mètres sont construits sur des pilotis, des pieux qui s’enfoncent dans le sol. Sauf que ces pieux sont étudiés, comme le confirme notre expert, sur des modèles architecturaux soviétiques adaptés à des édifices de 5 à 8 étages, et non… 25 !
Entre bulle spéculative immobilière, bases mouvantes et édification hasardeuse, la nouvelle capitale kazakhe est un passionnant mais inquiétant défi aux lois physiques, urbanistiques et économiques. A quoi ressemblera la ville dans quinze, vingt ans, en particulier après la mort de son grand ordonnateur le président Noursoultan Nazarbaev ? Bien malin qui pourra le dire. Quand à nous, il nous faudra revenir d’ici là pour en juger…

13 septembre 2007 dans Carnet de bord | Lien permanent | Commentaires (3)

Alvéolaire Astana

Fontaines Des petits cubes, des alvéoles, par milliers. Ce sont les petites fenêtres, PVC et plaques d’alu irisées, presque identiques, des centaines d’immeubles d’Astana. Une immense ruche bien propre, aux avenues lisses et vides, aux buildings titanesques, aux coupoles rutilantes. Le long des rues du nouveau centre, pas un restaurant, une épicerie, un kiosque. Partout, des palissades en métal sur lesquelles s’étalent les paysages de synthèse représentant le futur radieux et arboré qui va, nous dit-on, pousser sur le béton … Astana, la nouvelle capitale du Kazakhstan, est une ville chantier.

En 1995, trois ans après l’indépendance, le président Noursoultan Nazarbaev (1) décide de Immeublecabrilleconstruire une nouvelle capitale au nord du pays. Il choisit d’installer ses quartiers au cœur des terres vier ges (voir note précédente), près de la frontière russe, sur l’ancienne ville d’Akmola -Tselinograd en russe-. Plusieurs raisons à ce déménagement colossal : la volonté de marquer ainsi l’ère de l’indépendance politique, de faire venir des kazakhs dans un territoire alors à plus de 80 % peuplé de russes, mais aussi, dit-on, pour couper les ponts avec l’ancienne capitale, Almaty, où siège l’opposition et l’intelligentsia. Et ça marche : « Ceux qui ont accepté de venir ici travailler dans les ministères étaient jeunes et carriéristes, ils constituent aujourd’hui une réserve de fidèles pour le président », nous confie une kazakhe.

La population, a elle plus que doublé en 8 ans, passant de 300 000 à 700 000 habitants. Le président, le « grand architecte » de la ville a fixé l’objectif à 1 million et demi pour 2015 et planifie ainsi le transfert de villages des steppes vers la capitale. Alors, on construit à tout va, et le ciel d’Astana se couvre de grues.

En matière d’urbanisme et d’architecture, c’est le chaos. Tous les styles se côtoient, du plus innovant au plus traditionnel : sur la même rue, une brasserie bavaroise, un palais ouzbek, un édifice pagode… Izbamangee« Nous avons ici un échantillonnage de tout ce qui se fait en matière d’architecture », explique un spécialiste occidental du domaine invité par le président lui-même dans la capitale. Tout, le pire comme le meilleur. Les grands immeubles sont très souvent construits par des investisseurs qui trouvent dans le bâtiment matière à spéculer plutôt que par des constructeurs expérimentés. On veut faire vite, économique, grand et clinquant. Et tant pis si il faut raser au passage les dernières traces des vieilles maisons russes, ces isbas en bois aux fenêtres enjolivées. Certains quartiers résidentiels, construits il y a quelques années, sont eux aussi déjà voués à la destruction, rachetés par des promoteurs intéressés à construire plus haut pour vendre plus cher.

A Astana, il y a 60 000 logements actuellement en cours de construction (2), et cela ne semble pas près de s’arrêter. Construire, oui, mais pour qui ? Les loyers sont déjà hors de prix, il faut compter 2 000 dollars du mètre carré, soit au bas mot 100 000 dollars pour acquérir un deux-pièces en ville. A présent que les fonctionnaires et cadres investissent lentement la ville, les populations attendues désormais viendront des campagnes, où le niveau de vie est beaucoup plus faible. Difficile dans ces conditions d’imaginer ces familles acheter dans les résidences de grand standing qui se reproduisent a l’infini le long des avenues. Enfin, la ville n’a pas pour l’instant les atouts industriels pour donner le travail nécessaire à ces foules. En les attendant, Astana semble se faire belle derrière ses innombrables palissades. Mais à se promener sur ces grandes avenues hérissées de grues où le soleil brûlant et le vent perçant de la steppe s’engouffrent sans fin, l’impression est tenace : cette ville-là semble avoir été construite pour les investisseurs, les architectes, les politiques… mais pas pour ses habitants, passés, présents ou futurs...

(1)Ancien secrétaire du parti communiste kazakhe sous l’URSS, c’est une formule qui marche en Asie centrale.

(2)A titre de comparaison, en France, on construit sur un rythme de 200 000 logements par an pour tout le pays.

Mathilde et Camille

10 septembre 2007 | Lien permanent | Commentaires (2)

Les petits baigneurs de la cathedrale d'Almaty

Nous voila depuis cinq jours a Almaty, la capitale economique du Kazakhstan. La "vraie" capitale, desormais, c'est Astana, ville-nouvelle batie depuis quelques annees au milieu des "terres vierges", de la steppe du nord kazakhe... On vous en reparle bientot, puisqu'on devrait demain soir, apres 24 heures de train.

Vuelacsairan En attendant, nous avons profite de nos premiers jours ici pour decouvrir la ville, une sorte de Bishkek suisse: rues propres, pas de nids-de-poules, magazins de luxe, grands projets immobiliers type "Dubai centrasiatique" et belles voitures. Le tout, des que l'on sort du centre, jouxtant les memes batiments sovietiques, petites maisons russes et vendeurs de rues que dans la capitale kirghize. Le Kazakhstan est celui des 5 pays d'Asie centrale qui connait le developpement economique le plus visible . La rente energetique y est pour beaucoup, gaz naturel surtout et champs de petrole autour de la mer Caspienne qui font miroiter de beaux lendemains aux compagnies occidentales et au pays.

Modele (critiquable, certes, nous en reparlerons) economique pour ses voisins, le Kazakhstan n'est pas parmi les meilleurs eleves en terme de democratisation: ces derniers mois, son leader, le "pere de la nation kazakhe" Noursoultan Nazarbayev, semble meme sur une pente dangereuse: il s'est assure de pouvoir rester au pouvoir sans probleme constitutionnel au printemps, et a l'issue des toutes recentes elections parlementaires (qui n'ont vue l'election d'aucun depute d'opposition, meme si cette derniere notion est a nuancer), il a annonce la creation d'un parti unique a l'ancienne, le sien, Nur Otan. Bref, on parle ici de "Turkmenbachisation", en reference au defunt president turkmene Niazov, qui savait y faire en matiere de culte de la personnalite.Chantiertram

Le Kazakhstan comme le Kirghizistan a ete declare independant a la chute de l'URSS, mais ce fut le dernier des pays d'Asie centrale a le faire, en 1992. Le pays, mitoyen de la Russie sur plusieurs milliers de kilometres, est peuple d'une importante minorite russe, notamment au Nord, dans cette region des "Terres vierges" dont Khrouchtchev a fait une region d'agriculture intensive en y faisant venir des milliers de familles de cultivateurs russes. Almaty, l'ancienne capitale sovietique, reste a moitie peuplee de russes, meme si la balance s'est desequilibree apres l'independance.

La ville en garde une superbe eglise orthodoxe en son centre. Dimanche dernier, la porte de la nef etaitBaptenfantpleure_2   ouverte, nous avons franchi le seuil... pour nous retrouver face a un imposant pope recitant des cantiques devant une assemblee d'enfants en maillots de bains. C'est jour de bapteme. Avant de passer dans le grand bain, les petits nageurs doivent apprendre a faire le signe de croix (en commencant par le cote droit, chez les orthodoxes), ce qui n'est visiblement pas facile sans s'emmeler les pinceaux. Puis vient le moment de plonger dans la foi, tout entier dans le grand baptistere d'etain. Les bebes y passent les premiers. Ni adin ni dva, le pope saisit les bambins dans sa grande main, et les plonge sans menagement, par trois fois sous le niveau de l'eau. Plutot violente, comme entree en religion! Les bebes-nageurs en ressortent sonnes, et mettent quelques secondes a reagir convenablement, c'est a dire a hurler a pleins poumons.

Ensuite, on procede par age croissant, les enfants puis quelques adultes. le baptistere n'etant pas extensible, on adapte la methode, qui devient un peu plus douce. Une bassine sous les pieds, une cruche d'eau benite deversee sur le crane, la fin de la ceremonie se passe sans eclats de voix.

On se remet de nos emotions grace aux chants toujours aussi beaux des orthodoxes, pslamodications a reponses qui se repetent et montent en boucle dans les coupoles de l'eglise, epoussetant au passage les ors des icones...

Camille et Mathilde

06 septembre 2007 dans Carnet de bord | Lien permanent | Commentaires (0)

Balades russes sur piano a bretelles

Le tres serieux professeur de musique de l'ecole 26 (les cours ont deja repris, sans nous !) nous a accorde un concert prive dans sa salle capitonnee... "Qu'est ce que vous voulez, du kirghize, du moldave, du francais, du russe ?", a demande Alexandre Vladimirovitch. Du russe ! Alors il a ecarte les bras avec son air solennel qui fait un peu peur aux eleves, il a fronce les sourcils,Accordeonniste_yourte et, le pied droit sur un tabouret, la tete posee sur son instrument, il a joue...

Téléchargement accordeon_russe.mp3 

Voila pour l'accordeon version chansons populaires russes, mais attention, les kirghizes ont eux aussi integre l'instrument a leur repertoire traditionnel. La preuve en image, clin d'oeil a de beaux moments passes sous la yourte, dans les montagnes au-dessus de Toktogul...

Camille et Mathilde

04 septembre 2007 dans Carnet de bord | Lien permanent | Commentaires (2)

Quand le ballon devient chèvre

31 août, le Kirghizistan célèbre la fête de l’Indépendance. Le jour, forcément, est férié, et l’occasion de faire la fête en famille et dans les rues. A Bishkek, on prévoit un défilé (civil, et non pas militaire comme pour les commémorations patriotiques héritées de l’URSS), des concerts de musique traditionnelle sur la grande estrade de la Place Ala-Too, et, avant la grande soirée disco-pop kirghize à ciel ouvert, l’on convergera vers d’hippodrome de la ville. L’affaire est sérieuse : c’est là que sera disputé le Kok Boru du Président ; le kok boru, c’est la version sportive, en compétition, du sport national, le oulak tartich. Le principe est bien connu dans toutes les régions de tradition nomade d’Asie centrale, du nord afghan aux steppes kazakhe. Les bergers afghans le nomment Bozkatchi, appellation qui s’est généralisée en Occident, après que l’écrivain-voyageur Joseph Kessel a donné ses belles lettres a ce jeu exceptionnel dans son roman Les cavaliers. Mais nous sommes au Kirghizistan, et ici on ne connaît que le oulak tartich !

Issykkulenarrireplanw C’est une tradition établie après l’Indépendance que le président offre à son peuple des jeux traditionnels à l’occasion des grandes fêtes nationales. Jusque là, Kourmanbek Bakiev s’y était refusé, et ils s’en étaient trouvé pour lui reprocher vertement ; de là à dire que c’est la raison qui a poussé des milliers de manifestants par deux fois cette année à demander sa démission, il n’y a qu’un coup de cravache…

Plus sérieusement, ce fameux oulak tartich, c’est ce polo joué en deux équipes, qui doivent s’emparer d’une dépouille de chèvre fraîchement égorgée et la déposer de l’autre côté du terrain, dans un en-but (on l’appelle le « cercle de justice ») délimité soit par un cercle au sol, soit par des gros pneus de tracteurs, dans la version campagnarde. Ca, c’est la base. Après, tout peut varier : le nombre de joueurs, de trois ou quatre à plus d’une douzaine, la taille du terrain, d’une centaine de mètres à … la rivière, la route ou l’obstacle naturel le plus proche, quand on joue sur toute la surface d’une prairie. Enfin, deux variantes : où bien les deux équipes ont chacune leur en-but, où bien elles partagent le même. Il existe même une variante où chacun joue pour lui-même, c’est alors la version « No-limit » du jeu, qui vire bien souvent à un capharnaüm humain et équin indescriptible…

Une partie peut donc être très spectaculaire si les équipes ne sont pas trop nombreuses, le terrain délimité, et pas plus étendu que ne porte le regard du spectateur. Il n’en arrivera pas moins que, sur la prairie, les premiers rangs du public doivent se lever et se replier en urgence à l’arrière, voyant débouler sur eux une horde de cavaliers surexcités se disputant la chèvre tenue tant bien que mal par l’un d’eux.

Centauresmlsw Difficile en effet de contenir la fougue des joueurs de ce sport forcément extrême. Au cours du jeu, dans la mêlée qui se forme sans cesse autour du porteur de la chèvre, les coups de cravaches volent, on s’agrippe aux licols des chevaux adverses, on tire sur tout ce qui dépasse, on se contorsionne sur sa selle, la cravache entre les dents pour avoir les mains libres et arracher la dépouille au dernier qui s’en est saisi. Une possession de « balle » ne dure donc jamais bien longtemps, à moins que le porteur, aidé par ses coéquipiers, n’arrive à échapper à ses poursuivants et, d’un galop victorieux, la chèvre coincée sous la jambe, parcourre la distance qui le sépare du « cercle de justice ».

Le oulak tartish, sport violent ? Incontestablement, les bergers qui la pratiquent doivent posséder une maîtrise de leur monture et une force physique impressionnante, ne serait-ce que pour se pencher au ras du sol, en se retenant seulement grâce à leurs étriers, et remonter sans faiblir le corps inerte de la chèvre, dont le poids peut atteindre près de 30 kilos. Les séquences de mêlées autour du porteur sont semblables à de véritables combats de lutte à cheval, où tous les moyens sont bons pour se saisir de la précieuse dépouille. Mais les coups de cravache que l’on voit s’abattre sur les corps de chevaux et d’hommes inextricablement emmêles visent bien les cuirs équestres, et le moindre coup répété sur un adversaire vire très vite à la baston générale. Et là, la violence plus ou moins retenue des bergers peut très  rapidement exploser.

Mais sommes-nous encore là dans le cadre du jeu ?

Enfin, il faut rendre hommage aux chevaux, les véritables virtuoses du oulak tartich. Un cheval bien entraîné pour les exigences du jeu est un atout considérable pour la victoire : il doit savoir aller au contact, garder son sang-froid, provoquer, esquiver, et prolonger les mouvements de son cavalier…

Mais tout cela, Joseph Kessel le dit beaucoup mieux que nous, alors, lisez, ou relisez les Cavaliers, et pour les images, jetez un coup d’œil au nouvel album photo « Oulak Tartich ».

Camille et Mathilde

PS : Pour ceux qui s’inquiètent pour cette bonne viande gâchée (quoique, apres un an au pays du mouton, on est moins attache a la chevre...), sachez qu’il n’est pas rare que les joueurs finissent par manger leur ballon.

31 août 2007 dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (5)

Reportage sur le Jailoo, a Barskoon

Cette note s'est perdu dans les meandres du mois de juillet. Il s'agit d'un petit compte rendu photo d'un de nos reportages a la rencontre des bergers d'ete... Toujours dans les montagnes (fuyons Bichkek et sa chaleur caniculaire !), pres de Barskoon, sur la rive sud du Lac Issyl Kul. Nous avons passe 4 jours avec les bergers nomades, toujours dans le cadre de notre carnet de route pour la Radio suisse romande, diffuse normalement durant la semaine du 22 au 26 octobre dans l'emission Un dromandaire sur l'epaule. Au menu, 5 reportages de 30 minutes sur notre pays d'accueil, du lundi au vendredi... On frole la surmediatisation

. Direction Carnet en Images #3 ! Mathilde et Camille

26 août 2007 dans Carnet de bord | Lien permanent | Commentaires (0)

Le sud est en boite, dans le carnet en images # 3

Nous avons du retard, certes, sur nos differents periples, alors on tente de le ratrapper en vous offrant ces images... Photos complementaires de notre reportage sur le jailoo de Barskoon, trombines d'Arslanbob, et un petit apercu de Och. Bon voyage !

25 août 2007 dans Carnet de bord | Lien permanent | Commentaires (1)

T’as pas le même chapeau que nous…

.De passage à Arslanbob, au cours d’un périple à la découverte du sud-ouest kirghize, nous sommes tout de suite prévenus : « Ici, vous êtes dans un village à 99,9% peuplé d’ouzbeks ! », claironne dans un discours bien huilé le responsable local du CBT (1). Et il est vrai que ce village perché à 1600 mètres d’altitude, sur les contreforts nord de la chaîne du Ferghana, au nord de Djalalabad, illustre à lui tout seul la complexité démographique de la région toute entière. Femmesouzbekes_2 Que ce soit dans la province de Och, plus au sud, ou de Djalalabad, dans cette portion du Kirghizistan qui borde la frontière ouzbèke et englobe le fond de la vallée du Ferghana, on trouve ça et là de véritables morceaux d’Ouzbékistan à l’intérieur du Kirghizistan. Et malgré un découpage hasardeux des frontières hérité de l’époque stalinienne, malgré leur citoyenneté kirghize formellement attestée par leur passeports, les habitants d’Arslanbob, comme dans de nombreux villages environnants, continuent de vivre comme là-bas, quelques dizaines de kilomètres plus bas dans la vallée. Entre eux, et à la mode ouzbèke.

C’est dire si l’on goûte à un réel dépaysement en faisant l’économie d’un visa, en leur rendant visite, après avoir profité des pâturages et des yourtes kirghizes. C’est toute une ambiance, une vibration différente de la ville et de ses habitants, qui vous fait dire que vous avez changé d’univers. Des détails, aussi : des maisons sophistiquées, décorées, portant en leurs murs des centaines d’années de raffinement sédentaire. Des jardins irrigués, généreux, nourris d’une eau qui court de partout, entre les maisons, au bord des chemins, en un inextricable et savant réseau de canaux et de retenues. Des hommes et des femmes aux traits plus allongés, plus saillants et orientaux que ceux auxquels les kirghizes nous avaient habitué. Et les chapeaux… Dans ce contexte de brassage ethnique, ne pas minimiser l’importance du chapeau traditionnel comme élément identitaire : ici plus qu’ailleurs les rares kirghizes se reconnaissent par leur haut kalpak, couvre-chef en haut-de-forme à section carrée de feutre blanc et aux broderies et liserés noirs. Ils dénotent, noyés dans la multitude des chapeaux ouzbeks, bas, sombres et rigides.

Les ouzbeks moquent souvent la prétendue Kravat fainéantise des kirghizes, éternels bergers quand eux ont depuis longtemps la fibre commerçante et entrepreneuse. Et pourtant, à se couler dans leur rythme de vie, bien calé entre les coussins, à l’ombre délicieuse de leurs préaux, un bol de thé à la main, on peine à les croire ! Nous retrouvons ici avec plaisir une volupté, un apaisement déjà goûtés dans les tchaïkhanas (maisons de thé) de Boukhara ou de Samarcande, il y a quelques mois. Le chef de famille chez qui nous avons élu domicile est, selon ses dires, marchand de pommes de terres entre le Kirghizistan et l’Ouzbékistan. Une tâche qui lui laisse néanmoins le temps nécessaire pour être omniprésent à la maison, régentant la troupe domestique de sa femme, de ses filles et belles-filles, aux petits soins avec les hôtes touristes.

Vie a l'ouzbèke oblige, Arslanbob est ausi une cité d'Islam. On s'y presse en cortèges incessants, en pèlerinage : les grottes nichées dans les falaises surplombant le village auraient acccueilli Fatima, la fille du prophète Mahomet. L’été voit donc débarquer au pied des deux cascades du site des foules de musulmans, pour la plupart d’ethnie ouzbèke, qui séjournent ici plusieurs jours, le temps d’accomplir leurs visites sacrées et de profiter du calme et de la beauté des lieux.

Ouzbekcascade_2 Le temps fort de ce pèlerinage est la montée à la grande cascade, haute de plus de 80 mètres : pour atteindre le lieu de prière à mi-course, il faut escalader en file indienne un raidillon pierreux de près de cent mètres de haut, en montée presque verticale. Mais que serait un pèlerinage s’il n’en coûtait aux pèlerins pour atteindre le sacré ? En tous cas, pour le vieil homme qui nous avait précédé en haut, la montée avait été rude. Et la prière collective à laquelle il convia les pèlerins présents en fut d’autant plus longue et fervente : « Je prie pour que Dieu me donne le courage, l’année prochaine encore, de gravir cette montagne ». Au bord du précipice qui nous sépare de la bruyante cascade, les rares arbustes poussant dans les rochers ploient sous le poids des lambeaux de tissus dépareillés, noués sur les branches par les passants en guise de porte-bonheur.

Arslanbob, enfin, tient sa réputation de petit paradis terrestre du fait qu’elle est nichée au cœur de la forêt de noyers qui couvre une partie des montagnes environnantes. Promenades entre les arbres, dans l’ombre épaisse de leur feuillage, sous-bois d’une pureté et d’une quiétude enivrante. Là encore, on poserait bien les sacs pour un bon moment…

Camille et Mathilde

(1) CBT pour Community-Based Tourism, organisme qui met en contact les touristes avec des familles locales qui proposent l’hébergement chez l’habitant, et divers services touristiques.

25 août 2007 dans Carnet de bord | Lien permanent | Commentaires (0)

Les bretons en vacances

C’est le « problème du blogging » : plus il nous arrive des choses susceptibles d’être racontées sur le blog, moins on a le temps de les écrire, forcément. Illustration ce mois dernier : nous avons disparu de la blogosphère, et pour cause, on se bouscule rue Koibagarova !

Première visite de l’été, les parents de Mathilde, avec qui nous sommes partis trois semaines en Interieuryourteparentsweb goguette dans l’est du Kirghizistan. Accompagnés de notre chauffeur, Nikolaï, et de deux de ses amis russes, Vladimir et Irina, nous avons sillonné les (mauvaises) routes du pays. Au programme, le lac Son Kul, le caravansérail de Tach Rabat, la vallée d’altitude d’Ak Saï, les verts pâturages de Bosogo, Kochkor, et pour finir, le grand lac Issyk Kul, en long, en large et en travers (ah non, pas en travers, même si l’envie de naviguer a taraudé l’équipage Goanec).

L’occasion pour nous de poser un peu le micro et le stylo, pour découvrir l’écotourisme à la mode kirghize et le farniente sur les rives des superbes lacs du pays. En compagnie de nos trois compagnons de route de nationalité russe mais de citoyenneté kirghize (la nuance est capitale), nous avons également fait un voyage dans le temps, sur l’air nostalgique du « Kagda bil sovietski soyouz…. » (« A l’époque soviétique… »). Très instructif. Les parents Goanec ont ainsi pu découvrir cette joyeuse déglingue post-indépendance que nous tentons de raconter à longueur de colonnes et sur les ondes.

Paysagemaladeweb Nous le savions déjà, mais le Kirghizistan est vraiment un pays magnifique constitué, rappelons-le, à plus de 60 % par des montagnes d’une altitude supérieure à 2000 mètres. Pour des bretons originaires d’un coin à + 0 mètre, comme aimait à le rappeler notre chauffeur, le dépaysement est de taille. Mention spéciale pour le fabuleux lac Son Kul, perché à 3000 mètres d’altitude, avec ses yourtes coincées au creux des vallons. A cheval, avec vue plongeante sur le lac, la notion de « grands espaces » prend tout son sens… Tach Rabat, au sud-est du pays, est l’un des anciens points de passage de la route de la soie. Un caravansérail en atteste, bien que les explications historiques sur les fonctions réelles de l’endroit fassent défaut. Selon notre docteur  « es construction », Philippe G.,  c’est quand même « un joli petit travail d’architecture »… A voir. Nous retiendrons la petite « Cholponka », qui, en l’absence de ses parents, nous a accueilli en vraie professionnelle sous la yourte d’invité. Cela confirme notre impression : pour les enfants, le jaïloo (pâturage d’été en kirghize), est loin d’être un camp de vacances. Et pour la vision moins romantique de la chose, le travail des enfants est une réalité prégnante au Kirghizistan…Laneweb

Après cette étape « historique », court passage à Ak Saï, où nous avions réalisé un reportage radio pendant quelques jours cet hiver. Emouvantes retrouvailles avec ces bergers rencontrés en mars, avalanche de thé, de chorpo (bouillon de viande) et de vodka. Bien sûr, en l’honneur des parents, on a tué un mouton, sous le regard furtif d’Allah. Puis retour vers les plaines, et arrivée sous un petit soleil sur la rive Sud d’Issyk Kul. Première baignade, elle est bonne. Nous regrimpons pour deux nuits dans une vallée alpine. Au programme, balade bucolique dans la forêt, au bord d’une rivière déchaînée.

Nikolaï nous propose enfin notre dernier frisson montagnard, avec une montée vers un col à 3838 mètres (croyez-en la technologie, le GPS l’atteste). Après la luge sur un névé au bord de la route, re-baignade quelques heures plus tard dans les eaux (presque) chaudes d’Issyk Kul. Magique Kirghizistan. Nous découvrons la côte Nord et ses anciens « pensionnats », sortes de complexes hôteliers datant de l’ère soviétique. Et comme décidemment, on s’embourgeoise, nous nous offrons pour 40 soms (moins d’un euro) le luxe de faire trempette sur la même plage que Krouchtchov, Brejnev et autres anciens dirigeants du Parti. Nous finirons notre périple entre pommiers, cerisiers et framboisiers, au milieu de l’immense verger de la « datcha » d’Irina, près de Tcholpon Ata.

Mosqueedunganweb Et voila comment en 16 jours et plus de 2000 kilomètres, le Kirghizistan a achevé de nous convaincre d’une chose : quoi que l’on puisse en dire sur le plan politique, historique ou économique (et il est vrai qu’on nous reproche parfois ici de ne parler que de ce qui ne va pas dans ce pays), le Kirghizistan est gâté par la nature, qui y est riche, variée, immense… Ce n’est pas pour rien qu’une blague russe raconte que c’est Dieu lui-même, ayant oublié le peuple kirghize lors de la distribution originelle des territoires, qui lui aurait finalement donné sa « datcha » personnelle, son petit paradis terrestre… Datcha divine, et villégiature préférée des apparatchiks du Comité Central, pas mal pour un pays trois fois plus petit que la France !

Mathilde et Camille

Pour les legendes... Photo 1, sous la yourte a Ak Sai ; Photo 2, les montagnes de Bosogo, a l'est du pays ; Photo 3, Camille fait l'ane dans un vallon pres d'Issyk Kul ; Photo 4, mosquee dungan de Karakol.

14 juillet 2007 dans Carnet de bord | Lien permanent | Commentaires (2)

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