Triste capitale. Sous le soleil, nous apprécions mieux la ville que lors de notre arrivée pluvieuse. Il n'empêche : notre malaise persiste, en longeant ces avenues immenses et presque désertes. Rapide coup d'oeil à l'Hôtel de ville, flamboyant édifice. Le quartier présidentiel est lui aussi démesuré. A côté, la déjà très monumentale Maison blanche de Bishkek fait presque office de maison de poupée. Ces bâtiments font écho à la propagande permanente qui inonde le pays. Combien de tribunaux, d'écoles, d'hôpitaux au fronton ceint d'une maxime du président Islam Karimov? Combien d'affiches et de fresques mettant en scène l'écolier, le paysan, l'instituteur, proclamant le bon-vivre de la nation ouzbèke ? Grossière propagande, inévitable attribut de cette dictature à peine masquée. Notre malaise sera confirmé quelques temps plus tard par un politologue de l’Université Américaine d’Asie centrale à Bishkek : « En Ouzbékistan on ne voit pas de statue dorée d’Islam Karimov comme au Turkménistan, mais ne soyez pas dupe : derrière la facade démocratique, il y a une très forte pression idéologique qui est exercée sur la population pour présenter le président comme le créateur et le sauveur de l’Ouzbékistan. » Ajoutez à cela ce témoignage d’un opposant rencontré en catimini à Tashkent, qui compare son pays à un « gigantesque camp de concentration », et tient le décompte des quelques 7000 prisonniers politiques détenus dans tout le pays.
Passage par le métro, impossible à photographier car bâti par les soviétiques pour pouvoir servir au besoin d’abri nucléaire. Première barrière, contrôle de la police et fouille légère de nos bagages… Nous quitterons donc Tachkent rapidement, impatients de découvrir la vallée du Ferghana. "
La riche vallée du Ferghana a cette particularité d’être à cheval sur trois pays : l’Ouzbékistan, le Kirghizistan et le Tadjikistan. Un savant découpage voulu par Staline, qui a transformé la vallée en un puzzle explosif et incohérent. Trafics en tous genres, tensions permanentes et populations en proie à des politiques de visas ubuesques. En mai 2005, une manifestation spontanée contre le pouvoir ouzbek s’est soldée par 700 morts à Andijan, la ville principale. Depuis, la surveillance s’est accrue dans cette région très riche et isolée du reste du pays.
Du voyage en taxi qui nous emmène à Kokand, première ville étape, nous gardons en mémoire ces sinistres villes industrielles, comme Angren. Cheminées d’usines, cuves immenses, ciel bas et gris malgré le soleil… et rangées interminables d’immeubles soviétiques. Certains, par un sursaut de coquetterie mâtinée de propagande, sont peinturlurés de motifs à la gloire du coton. Ils rappellent la fonction première de la vallée, la culture de « l’or blanc », qui a définitivement défiguré la mer d’Aral en aval.
Mathilde et Camille
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