Des petits cubes, des alvéoles, par milliers. Ce sont les petites fenêtres, PVC et plaques d’alu irisées, presque identiques, des centaines d’immeubles d’Astana. Une immense ruche bien propre, aux avenues lisses et vides, aux buildings titanesques, aux coupoles rutilantes. Le long des rues du nouveau centre, pas un restaurant, une épicerie, un kiosque. Partout, des palissades en métal sur lesquelles s’étalent les paysages de synthèse représentant le futur radieux et arboré qui va, nous dit-on, pousser sur le béton … Astana, la nouvelle capitale du Kazakhstan, est une ville chantier.
En 1995, trois ans après l’indépendance, le président Noursoultan Nazarbaev (1) décide de construire une nouvelle capitale au nord du pays. Il choisit d’installer ses quartiers au cœur des terres vier ges (voir note précédente), près de la frontière russe, sur l’ancienne ville d’Akmola -Tselinograd en russe-. Plusieurs raisons à ce déménagement colossal : la volonté de marquer ainsi l’ère de l’indépendance politique, de faire venir des kazakhs dans un territoire alors à plus de 80 % peuplé de russes, mais aussi, dit-on, pour couper les ponts avec l’ancienne capitale, Almaty, où siège l’opposition et l’intelligentsia. Et ça marche : « Ceux qui ont accepté de venir ici travailler dans les ministères étaient jeunes et carriéristes, ils constituent aujourd’hui une réserve de fidèles pour le président », nous confie une kazakhe.
La population, a elle plus que doublé en 8 ans, passant de 300 000 à 700 000 habitants. Le président, le « grand architecte » de la ville a fixé l’objectif à 1 million et demi pour 2015 et planifie ainsi le transfert de villages des steppes vers la capitale. Alors, on construit à tout va, et le ciel d’Astana se couvre de grues.
En matière d’urbanisme et d’architecture, c’est le chaos. Tous les styles se côtoient, du plus innovant au plus traditionnel : sur la même rue, une brasserie bavaroise, un palais ouzbek, un édifice pagode… « Nous avons ici un échantillonnage de tout ce qui se fait en matière d’architecture », explique un spécialiste occidental du domaine invité par le président lui-même dans la capitale. Tout, le pire comme le meilleur. Les grands immeubles sont très souvent construits par des investisseurs qui trouvent dans le bâtiment matière à spéculer plutôt que par des constructeurs expérimentés. On veut faire vite, économique, grand et clinquant. Et tant pis si il faut raser au passage les dernières traces des vieilles maisons russes, ces isbas en bois aux fenêtres enjolivées. Certains quartiers résidentiels, construits il y a quelques années, sont eux aussi déjà voués à la destruction, rachetés par des promoteurs intéressés à construire plus haut pour vendre plus cher.
A Astana, il y a 60 000 logements actuellement en cours de construction (2), et cela ne semble pas près de s’arrêter. Construire, oui, mais pour qui ? Les loyers sont déjà hors de prix, il faut compter 2 000 dollars du mètre carré, soit au bas mot 100 000 dollars pour acquérir un deux-pièces en ville. A présent que les fonctionnaires et cadres investissent lentement la ville, les populations attendues désormais viendront des campagnes, où le niveau de vie est beaucoup plus faible. Difficile dans ces conditions d’imaginer ces familles acheter dans les résidences de grand standing qui se reproduisent a l’infini le long des avenues. Enfin, la ville n’a pas pour l’instant les atouts industriels pour donner le travail nécessaire à ces foules. En les attendant, Astana semble se faire belle derrière ses innombrables palissades. Mais à se promener sur ces grandes avenues hérissées de grues où le soleil brûlant et le vent perçant de la steppe s’engouffrent sans fin, l’impression est tenace : cette ville-là semble avoir été construite pour les investisseurs, les architectes, les politiques… mais pas pour ses habitants, passés, présents ou futurs...
(1)Ancien secrétaire du parti communiste kazakhe sous l’URSS, c’est une formule qui marche en Asie centrale.
(2)A titre de comparaison, en France, on construit sur un rythme de 200 000 logements par an pour tout le pays.
Mathilde et Camille
Nous croulons(!)sous vos informations et c'est très appréciable de découvrir ce pays.
Le Monde s'y met aussi avec un article du samedi 8/09/2007 intitulé:
Avec l'"affaire Kashagan",le Kazakhstan veut remettre la main sur ses ressources pétrolières.
Astana a annoncé sa décision de devenir "co-opérateur" du plus grand projet pétrolier au monde.Il réclame des indemnités aux compagnies étrangères qui accumulent les retards.
Bonne suite et bientôt fin.... pour votre séjour là-bas.Bisous.
Françoise.
Rédigé par : Françoise | 12 septembre 2007 à 11:15
Effectivement Francoise, Camille fait le point sur la partie Pro du site. Nous avions vu l'article car nous suivons l'affaire au cas ou, mais merci encore pour cette vraie "veille de presse" depuis la France...
Mathilde et Camille
Rédigé par : Camille et Mathilde | 13 septembre 2007 à 09:14