C'est un été de voyage à travers l'Ukraine que nous avons entamé début juillet, avec une première halte à Odessa. Cette ville, que nous avions découvert en vitesse lors d'un weekend de printemps, s'est révélé à sa juste valeur sous le soleil de l'été.
Premier viron, vers la Moldavanka, un vieux quartier d'Odessa connu pour son caractère cosmopolite. Les immeubles sont bas, souvent joliment décorés et derrière les porches, c'est une ribambelle de cours que se partagent les habitants. "On vit presque de manière communautaire, comme dans les komunalkas d'autres fois", explique l'une des habitantes. Son mari dort dans la cour, sous une couverture et sur un banc, avec juste un orteil qui dépasse. Autour de lui, les enfants jouent au ballon entre les fils à linge. Souvent, un puit est planté au milieu de la cour, et la vigne s'y enroule. Depuis des années, les autorités spéculent sur le quartier, voué à une disparition prochaine. Insalubre mais charmant, les habitants oscillent eux-aussi entre nostalgie et envie de neuf dans le quartier de la Moldavanka, "où même après le travail, tu n'es jamais tranquille", peste une voisine.
Vova, un peu plus loin dans une longue cour étroite, est assis sur sa chaise. Il doit être assis là depuis fort longtemps, observateur derrière ses grosses lunettes de la micro-société que forme la cour. Le vieil homme a plus de 80 ans, et il a connu la Moldavanka au temps de sa belle gloire, quand les gens venaient de partout s'installer dans la Moldavanka pour travailler dans les usines ou au port d'Odessa. Des juifs, des russes, des ukrainiens, des tatares... Donnant sur la rue, derrière la belle façade couleur ocre, "le coin des riches", et dans la cour, "les plus pauvres".
"C'est toujours pareil aujourd'hui, mais il y avait plus d'ambiance avant", estime sa voisine Valentina, une vieille femme rigolote qui raconte, et raconte encore, sans s'arrêter. " Ici, quand tu rentrais trop tard, tout le monde le savait !". Valentina se souvient surtout des juifs, qui en partant après la seconde guerre mondiale, on laissé un grand trou à l'âme du quartier. Une petite danse traditionnelle, quelques mots en yiddish, Valentina a la mémoire intacte : "
"C'était la misère ici, mais les gens s'aidaient... je suis née ici, et j'ai vécu toute ma vie dans cette cour. On jouait aux cartes, aux dominos, et bien sûr, on se racontait tous les potins sur Moldovanka. Pas difficile de savoir les nouvelles... Par exemple, en face de nous vivaient Bola et Sarat. Ma mère, depuis notre fenêtre, leur demandait :" Eh, Sarat, qu'est ce que tu cuisines ce soir ? Moi, je fais de la soupe au lait pour mes enfants !" C'était comme ça. Il y avait aussi un homme qui venait dans la cour avec sa balalaïka et qui jouait une chanson d'ici, l'histoire de Michka : " Michka coupe de la viande, et sa femme fait la coquette... Le chat est sans queue, et le chat court derrière lui...." Il y a aussi cette chanson d'Outiosiosov, "ah, Odessa, la perle au bord de la mer...". Maintenant je suis vieille, je ne peux plus chanter. Vous voulez que Paris se moque de moi ? C'est tout, c'est la fin, applaudissements !"
Prochaine escale, les plages, les clubs et les peaux bronzés, à Arcadia. A suivre...
Mathilde et Camille
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