31 août, le Kirghizistan célèbre la fête de l’Indépendance. Le jour, forcément, est férié, et l’occasion de faire la fête en famille et dans les rues. A Bishkek, on prévoit un défilé (civil, et non pas militaire comme pour les commémorations patriotiques héritées de l’URSS), des concerts de musique traditionnelle sur la grande estrade de la Place Ala-Too, et, avant la grande soirée disco-pop kirghize à ciel ouvert, l’on convergera vers d’hippodrome de la ville. L’affaire est sérieuse : c’est là que sera disputé le Kok Boru du Président ; le kok boru, c’est la version sportive, en compétition, du sport national, le oulak tartich. Le principe est bien connu dans toutes les régions de tradition nomade d’Asie centrale, du nord afghan aux steppes kazakhe. Les bergers afghans le nomment Bozkatchi, appellation qui s’est généralisée en Occident, après que l’écrivain-voyageur Joseph Kessel a donné ses belles lettres a ce jeu exceptionnel dans son roman Les cavaliers. Mais nous sommes au Kirghizistan, et ici on ne connaît que le oulak tartich !
C’est une tradition établie après l’Indépendance que le président offre à son peuple des jeux traditionnels à l’occasion des grandes fêtes nationales. Jusque là, Kourmanbek Bakiev s’y était refusé, et ils s’en étaient trouvé pour lui reprocher vertement ; de là à dire que c’est la raison qui a poussé des milliers de manifestants par deux fois cette année à demander sa démission, il n’y a qu’un coup de cravache…
Plus sérieusement, ce fameux oulak tartich, c’est ce polo joué en deux équipes, qui doivent s’emparer d’une dépouille de chèvre fraîchement égorgée et la déposer de l’autre côté du terrain, dans un en-but (on l’appelle le « cercle de justice ») délimité soit par un cercle au sol, soit par des gros pneus de tracteurs, dans la version campagnarde. Ca, c’est la base. Après, tout peut varier : le nombre de joueurs, de trois ou quatre à plus d’une douzaine, la taille du terrain, d’une centaine de mètres à … la rivière, la route ou l’obstacle naturel le plus proche, quand on joue sur toute la surface d’une prairie. Enfin, deux variantes : où bien les deux équipes ont chacune leur en-but, où bien elles partagent le même. Il existe même une variante où chacun joue pour lui-même, c’est alors la version « No-limit » du jeu, qui vire bien souvent à un capharnaüm humain et équin indescriptible…
Une partie peut donc être très spectaculaire si les équipes ne sont pas trop nombreuses, le terrain délimité, et pas plus étendu que ne porte le regard du spectateur. Il n’en arrivera pas moins que, sur la prairie, les premiers rangs du public doivent se lever et se replier en urgence à l’arrière, voyant débouler sur eux une horde de cavaliers surexcités se disputant la chèvre tenue tant bien que mal par l’un d’eux.
Difficile en effet de contenir la fougue des joueurs de ce sport forcément extrême. Au cours du jeu, dans la mêlée qui se forme sans cesse autour du porteur de la chèvre, les coups de cravaches volent, on s’agrippe aux licols des chevaux adverses, on tire sur tout ce qui dépasse, on se contorsionne sur sa selle, la cravache entre les dents pour avoir les mains libres et arracher la dépouille au dernier qui s’en est saisi. Une possession de « balle » ne dure donc jamais bien longtemps, à moins que le porteur, aidé par ses coéquipiers, n’arrive à échapper à ses poursuivants et, d’un galop victorieux, la chèvre coincée sous la jambe, parcourre la distance qui le sépare du « cercle de justice ».
Le oulak tartish, sport violent ? Incontestablement, les bergers qui la pratiquent doivent posséder une maîtrise de leur monture et une force physique impressionnante, ne serait-ce que pour se pencher au ras du sol, en se retenant seulement grâce à leurs étriers, et remonter sans faiblir le corps inerte de la chèvre, dont le poids peut atteindre près de 30 kilos. Les séquences de mêlées autour du porteur sont semblables à de véritables combats de lutte à cheval, où tous les moyens sont bons pour se saisir de la précieuse dépouille. Mais les coups de cravache que l’on voit s’abattre sur les corps de chevaux et d’hommes inextricablement emmêles visent bien les cuirs équestres, et le moindre coup répété sur un adversaire vire très vite à la baston générale. Et là, la violence plus ou moins retenue des bergers peut très rapidement exploser.
Mais sommes-nous encore là dans le cadre du jeu ?
Enfin, il faut rendre hommage aux chevaux, les véritables virtuoses du oulak tartich. Un cheval bien entraîné pour les exigences du jeu est un atout considérable pour la victoire : il doit savoir aller au contact, garder son sang-froid, provoquer, esquiver, et prolonger les mouvements de son cavalier…
Mais tout cela, Joseph Kessel le dit beaucoup mieux que nous, alors, lisez, ou relisez les Cavaliers, et pour les images, jetez un coup d’œil au nouvel album photo « Oulak Tartich ».
Camille et Mathilde
PS : Pour ceux qui s’inquiètent pour cette bonne viande gâchée (quoique, apres un an au pays du mouton, on est moins attache a la chevre...), sachez qu’il n’est pas rare que les joueurs finissent par manger leur ballon.
merci pour ce post scriptum, il a répond a la question que je me posais depuis le debut de l'article.
la chair doit être pour le moins attendrie, et en plus ça montre que c'est transferable a plein de régions de monde (en galice, ils pourraient essayer avec un poulpe, ça éviterait qu'ils se tuent les bras à essayer de les attendrir,), et ça pourrait donner lieu aux premiers championnat du monde ou le ballon serait différent en fonction des équipes.
Par contre, est ce qu'il existe une version végétarienne du jeu, histoire de n'exclure personne? A part si on utilise la noix de coco je vois pas de fruit qui puisse finir la partie autrement qu'en compote (et encore).
biz
si vous etes affligés par cette réponse, envoyez moi un cygne.
jerome, la veille de la rentrée
Rédigé par : jerome | 03 septembre 2007 à 14:48
Oh, quel poete ! Effectivement, un championnat du monde d'Oulak Tartich est a envisager... Pour les francais, quel animal pour ballon ?
Un autre grand jeu concours est ouvert...
Mathilde.
Rédigé par : Mathilde et Camille | 04 septembre 2007 à 08:38
Pas un octodon en tout cas, c'est trop petit...
Rédigé par : Cécilia | 05 septembre 2007 à 11:38
Je ne vois aucun paradoxe dans la fe9minite9 et le fe9minisme. Le mluiqalage, c'est comme notre look, c'est un choix personnel, c'est une manie8re de montrer qui on est et comment on se sent. C'est vrai qu'on peut aborder la fe9minite9 d'une meilleure fae7on qu'actuellement pre9sente9e dans les domaines commerciaux tels que la publicite9 ou les catalogues de mode des grandes chaeenes qui ne pre9sentent que rarement des mode8les fe9minins re9alistes. Il faut avoir une attitude positive face au mluiqalage, mais aussi face e0 la mode et la beaute9 en ge9ne9ral, sans tomber les yeux ferme9s dans les ste9re9otypes et les images construites/offertes par la socie9te9 Toutefois, je suis d'accord avec les personnes qui refusent de se maquiller, parce que cela peut paraeetre aussi comme une attitude de se9duction, pour plaire, oriente9e le plus souvent dans le but d'attirer le regard masculin, dans des relations majoritairement he9te9rosexuelles. Les codes et les standards de beaute9 sont bien souvent dicte9es par les tendances ge9ne9rales d'une socie9te9, dont l'une d'elle les plus importantes est l'he9te9rosexualite9. Il est donc normal que les codes, dans le mluiqalage, servent aussi e0 plaire au regard masculin, e0 la socie9te9 he9te9ro. Bref ! Le sujet est ine9puisable. Vraiment, tre8s tre8s inte9ressant lui aussi. Le de9sir d'avoir une fe9minite9 assume9e n'exclut pas l'engagement fe9ministe bien au contraire. Maquilleuse et fe9ministe ? Bien sfbr, pourquoi pas ?
Rédigé par : Samantha | 27 septembre 2012 à 09:17
Merci pour ce billet très intéressant!
Rédigé par : Animaux | 09 avril 2013 à 03:43