Confronté à une diminution de 50 % de ses approvisionnents en gaz, l’Ukraine menace à son tour de possibles répercussions sur le gaz livré en Europe.
Ne voyant rien venir dans la résolution du différent commercial qui oppose la Russie à l'Ukraine, la compagnie russe Gazprom a décidé hier à 20 heures de diminuer les approvisionnements de gaz vers sa voisine de moitié. En réplique, l’Ukraine a alors abbatu sa seule carte face à Moscou : la possibilité d’une réduction du flux de gaz transitant vers l’Europe via son territoire. Si de nouvelles baisses des approvisionnements devaient subvenir, la priorité sera donnée, selon le porte-parole de la compagnie de distribution ukrainienne Naftogaz, à la défense de la “sécurité énergétique de l'Ukraine”.... au détriment des livraisons européennes.
Dans cette nouvelle guerre du gaz, toute psychologique, l’Ukraine joue ainsi avec la peur d'une pénurie de gaz en Europe. En effet, un quart du gaz utilisé par les pays européens est russe et 80% de ce précieux combustible transitent par l’Ukraine. Le pays veut ainsi pousser l’Europe à s’engager en sa faveur dans le conflit. Depuis plusieurs mois, elle a multiplié les signaux positifs vers l'Ouest, au risque de se froisser avec Moscou, espérant trouver ainsi un allié de poids en cas de conflit. Mais dans le bras de fer énergetique, difficile de prédire l'attitude de l'Union. Pour garantir son équilibre énergétique, l'Europe semble avoir autant besoin du robinet russe que des tuyaux ukrainiens.
La Commission européenne, inquiète, n'a donc pas pas tardé à réagir en demandant mardi des garanties à Gazprom. La compagnie russe a bien confirmé son intention de réduire encore de 25 % son approvisionnement vers l'Ukraine, mais a assuré que l'Union européenne ne devrait pas en pâtir. Le ministre ukrainien, Volodymyr Ogryzko, a lui aussi tenté de calmer le jeu, en assurant que “l'Ukraine ferait tout pour que les livraisons de gaz à l'Union européenne se poursuivent normalement”. Pourtant, rien ne permet de prévoir un apaisement. Oleksandre Tourchinov, le premier vice-Premier ministre ukrainien, a relancé les débats hier après-midi en rappelant que depuis décembre dernier, Gazprom n'avait pas “ payé un kopek à Naftogaz pour le gaz russe qui transite en Ukraine vers l'Europe”. Comme d'autres personnalités politiques ukrainiennes, il a dénoncé un “chantage” russe, qui n'aurait pas lieu d'être entre “deux négociateurs sérieux”.
Au sommet de l'Etat, les réactions sont, elles, plutôt laconiques. Victor Ioutchenko a félicité Dmitri Medvedev lundi, lui souhaitant, avec un sens de la formule consommé, une “énergie inextinguible”dans l'exercice de ses fonctions. Puis, mardi, il s'est borné à téléphoner à Vladimir Poutine, pour reparler des accords gaziers signés le 12 février dernier, sans effets pour l'instant. Devant l'impuissance des Russes et des Ukrainiens à se mettre d'accord, la Commission européenne a annoncé une réunion d'urgence, mardi prochain, à Bruxelles.
Mathilde GOANEC
Egalement un papier d'analyse, ce mercredi, sur RFI, par Camille Magnard.
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